2011/06/07

Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les députés qui font la loi et décident qui l'enfreint, et non les fonctionnaires qui, eux, sont là pour l'appliquer

Le ton monte au comptoir des cafés. C'est tout le "système" qui est contesté : les technocrates parisiens qui n'y comprennent rien, les élites qui roulent en Porsche, les politiques qui ne paient pas leur PV, la loi aveuglément répressive.
Tandis que Sandrine Blanchard essaie de rester neutre dans Le Monde (Touche pas à mon auto ! sur le dossier de la sécurité routière), Un lecteur du quotidien s'en prend à ceux qui défendent le "comportement de leurs élites, et notamment des politiques" :
Les multiples attaques publiées dans Le Monde par le courrier des lecteurs contre les députés qui critiquent la suppression des avertisseurs de radar deviennent franchement nauséabondes : on les accuse de " démagogie électoraliste ", d'absence de courage, et un des lecteurs va jusqu'à écrire qu'ils " soutiennent les délinquants " de la route : jusqu'à nouvel ordre, ce sont les députés qui font la loi et décident qui l'enfreint, et non les fonctionnaires qui, eux, sont là pour l'appliquer.

Il ne suffit pas de proclamer qu'une mesure est faite pour lutter contre l'insécurité routière pour qu'elle devienne parole d'évangile si elle est stupide ! Ne pas signaler les endroits dangereux par des radars signalés n'est pas une " mesure de sécurité routière " mais au contraire mettre des pièges pour " pincer " les automobilistes, les rançonner et renflouer facilement et à bon compte les caisses de l'Etat. Tout le monde le sait, même les gendarmes sur le terrain, et pas simplement les consommateurs du café du commerce pour lesquels on a tant de mépris !

Le gouvernement n'a même pas craint le ridicule quand il a annoncé cette mesure de suppression des avertisseurs de radar " en raison de l'augmentation des morts " sur la route causée notamment par les morts, en ville, de piétons et de deux-roues. On se demande ce que les radars y changeraient ! Comme le dit un des lecteurs, " pauvre France ".

Daniel Bailleul
La Chapelle-d'Abondance
(Haute-Savoie)

Il y a aussi cette lettre-ci :
Le populisme automobile ne tient évidemment pas la route devant la sécurité routière et l'analyse " La sécurité routière face au populisme " (Le Monde du 30 mai) aurait été plus utile si elle avait dénoncé, comme cela a été pointé à la dernière ligne du texte, le manque de pédagogie des services publics chargés de mettre en oeuvre l'arsenal réglementaire reposant sur le permis à points et les radars.

Le premier défaut de pédagogie est d'avoir encouragé police et gendarmerie à " faire du chiffre ". Cela revient à instituer une sorte de bakchich déloyal à l'encontre des automobilistes, qui peut entraîner un dévoiement de ces services dont j'ai été victime en 2010 et qui s'est traduit par un retrait de six mois de mon permis de conduire.

Une telle décision administrative fait d'un citoyen un quasi-délinquant aux yeux des services préfectoraux, sûrs de l'autorité que leur donne une réglementation dont la régularité semble pourtant douteuse sur certains points.

Si le durcissement de cette réglementation est nécessaire pour améliorer la sécurité routière, je pense qu'il vaudrait mieux accroître la durée des retraits de permis, sanction qui se suffit à elle-même, et la débarrasser de ses annexes : obligation de repasser la partie code du permis, visite médicale, test psychotechnique, et gestion de toutes ces annexes par une auto-école et la préfecture, qui sont onéreuses et irritantes, tant les échanges de courrier avec la préfecture sont lents et sans effets sur l'amélioration de la sécurité routière.

Guy Bideault
Uzès (Gard)

2011/06/06

"Les Africains savent très bien que les enfants vont connaître le racisme en France"

Les discriminations ? La xénophobie ? [Certains Blancs] en avaient une vague idée. Mais depuis qu'ils vivent en couple avec des Noirs et des Arabes — de nationalité française ou étrangère —, depuis qu'ils ont adopté un enfant africain, ces Blancs ont fait la connaissance d'une France où les préjugés peuvent peser sur le quotidien. Ils vivent désormais le racisme par procuration.
C'est ainsi que commence Mustapha Kessous son article dans Le Monde sur le pays qui est toujours à regretter le racisme de ces Américains incultes et ignares et à — quel bonheur — leur donner toutes sortes de leçons — dans la générosité et la tolérance, etc etc etc…
Un jour, Benjamin Peyrot des Gachons croise sa gardienne dans le hall de son immeuble parisien, elle lui lance : "Faudrait dire à votre femme de ménage d'arrêter de secouer les sets de table par la fenêtre." Il rétorque : "Vous parlez de Kama, ma femme ?" Benjamin travaille pour une ONG. Depuis qu'il fréquente Kama, d'origine malienne, il a une "perception directe" des préjugés. …

Julien de Weck, journaliste suisse, trentenaire au physique de surfeur, a choisi de faire sa vie à Genève avec une Française, Lydia. Son problème ? Aucun. "Elle est belle, sourit-il. Ah oui, j'oubliais : elle est noire." Au début de leur relation, des proches lui ont posé de drôles de questions : "Ça n'a pas posé de problème à tes parents ?" "C'est marrant, elle n'a pas d'accent quand elle parle français ?" "Ça doit être de la folie au lit ?" Et quand on veut savoir quel métier elle exerce — psychologue —, on lui répond : "Ah bon ?" "Ils s'attendaient peut-être à ce que je leur dise coiffeuse comme toutes les Zaïroises", ironise-t-il. …
"Hostilité" ? Kristel Favre-Rocher en sait quelque chose. Depuis huit ans, "je ne fais plus partie de la France, je ne me sens même plus française", souffle cette trentenaire, employée de bureau dans la campagne de l'Ain. Depuis qu'elle partage son quotidien avec Makam Traoré, elle a "l'impression d'être noire comme Makam". En janvier 2009, Makam, 34 ans, s'était fait traiter de "sale singe" lors d'un banal match de foot de 2e division départementale. Il ne l'avait pas supporté au point d'acheter un gorille en peluche et de se balader avec dans la rue. Il avait porté plainte et fait condamner son agresseur pour injure à caractère raciste. Et Kristel ? "Je ne savais pas m'y prendre : on ne m'a jamais traitée de "sale Blanche"", raconte-t-elle, presque gênée. …

Dans son rapport sur les "Perceptions du racisme, de l'antisémitisme et de la xénophobie en 2010", la [Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDH)] évoque un "rejet croissant des étrangers, perçus de plus en plus comme des parasites, voire comme une menace". "Les discours politiques délégitiment tout ce qui est étranger, analyse Joëlle Bordet, psychosociologue, spécialiste des préjugés. Le couple mixte devient une prise de risque alors qu'il y a une époque, l'autre représentait une richesse."

… le gouvernement du Mali demande que le couple adoptif ait un lien avec le pays d'origine de l'enfant, que l'Afrique leur parle "afin que les parents soient mieux armés, ajoute Mme Biondi. Les Africains savent très bien que les enfants vont connaître le racisme en France".

2011/06/05

Il reste toujours au citoyen français cette mauvaise impression de lire, de voir ou d'entendre les mêmes informations

Il fut une époque où les responsables des JT de 20 heures attendaient la sortie du Monde, l'après-midi, pour échafauder les "conducteurs" de leurs éditions
explique Daniel Psenny, par rapport à son compte rendu du livre Copie conforme (Pourquoi les médias disent-ils tous la même chose?), dans… Le Monde (justement).
Considéré comme "le journal de référence", le quotidien du soir donnait le tempo de l'information même si, le matin avant son bouclage, il avait écouté les radios et aussi regardé ce qu'avait fait la concurrence qui, elle-même la veille, s'était inspirée, peu ou prou, des journaux de 20 heures... Bref, tout le monde était "copie conforme" et il y avait peu de chances pour que les informations venues d'ailleurs trouvent un écho !
Avec l'irruption d'Internet et des réseaux sociaux qui, souvent sans recul ni analyse, rendent l'information instantanée, les plaques tectoniques du journalisme ont bougé. Tout un chacun peut, s'il le souhaite, s'informer où et comme il le veut. Pourtant, il lui reste toujours cette mauvaise impression de lire, de voir ou d'entendre les mêmes informations.
… Formatage, concurrence, pressions économiques, accélération du temps, "googlisation" de l'information, utilisation de l'image à des fins de décoration, information spectacle, "le métier fait les frais de sa propre défaillance", [écrit Hervé Brusini] en stigmatisant "l'uniformité" et "l'info standardisée" des rédactions où régneraient, ici ou là, "un laxisme éditorial et une paresse sans égale".