2011/05/05

FN et la gauche, même combat ? Un leader du Parti de gauche énervé qu'on dise que les gauchistes et les Le Pen sont sur le même terrain (anti-libéral)

Il y a toujours eu un socle d'ouvriers et d'employés qui votent à droite. … C'étaient des gens en opposition absolue aux communistes et aux socialistes. C'est cette base que Marine Le Pen a récupérée parce que Nicolas Sarkozy a ouvert les vannes entre la droite et l'extrême droite.
C'est ainsi que se prononce Jean-Luc Mélenchon. Et pourtant, dans leur interview avec le coprésident du Parti de gauche, Jean-François Achilli, Jean-Jérôme Bertolus et Françoise Fressoz ("Dimanche soir politique") lui demandent non pas si la "nouvelle offensive de Marine Le Pen" (en direction de l'électorat populaire) divise, ou risque de diviser, la droite, mais si cet état des faits n'est "pas inquiétant pour la gauche" (!). Et les questions dans ce sens énervent visiblement l'intéressé :
Mais quand elle dénonce violemment le libéralisme, elle vient sur votre terrain.

Qu'est-ce que vous voulez démontrer ? Nous allons passer toute l'émission à expliquer que je suis différent de Marine Le Pen ? Il ne faut pas se contenter de dénoncer l'ultralibéralisme comme le fait Marine Le Pen. Il faut aller à la source du partage des richesses. Ce n'est pas l'immigré le problème, c'est le banquier, le financier. La préférence nationale n'a aucun sens et ne correspond à rien d'organisable. Ce qu'il faut, c'est partager les richesses de gré ou de force. La bataille s'est toujours jouée entre la gauche ouvrière et syndicale, la gauche communiste et de combat et l'extrême droite. Sur le terrain, Il n'y a que nous pour mener cette bataille.

2011/05/04

Aux USA, avec sa politique économique, Marine Le Pen serait une politicienne de gauche ; elle confirme que "Obama (!) est loin à droite de nous"

[Marine Le Pen] has come out with a detailed critique of capitalism and a position promoting the state as the protector of ordinary people. “For a long time, the National Front upheld the idea that the state always does things more expensively and less well than the private sector,” she told me. “But I’m convinced that’s not true. The reason is the inevitable quest for profitability, which is inherent in the private sector. There are certain domains which are so vital to the well-being of citizens that they must at all costs be kept out of the private sector and the law of supply and demand.” The government, therefore, should be entrusted with health care, education, transportation, banking and energy.
Inside the New York Times Magazine, Russell Shorto has an in-depth portrait of France's (Kinder, Gentler) Extremist, whose economics are "frankly leftist" and whose "economic stance is drawing interest from the left as well as the right": "When I pointed out that in the U.S. she would sound like a left-wing politician, [Marine Le Pen] shot back, “Yes, but Obama is way to the right of us,” and opined that proper government oversight would have averted the American financial crisis." Mainstream parties across Europe "have not found answers to this pan-European movement," adds the director of the John Adams Institute in Amsterdam, "for which the term “far right” seems increasingly inadequate."

Read also (en français) :
"Le besoin d'Etat fort" : les mots de Le Pen prouvent que la (l'extrême-)droite française n'a rien à voir avec le Republican Party et les Tea Partiers
• Dans l'élection de 2012, L'es électeurs du FN sont pour Obama à 70%
Critique de la privatisation et de la politique ultralibérale : Marine Le Pen prouve que les conservateurs US n'ont rien à voir avec les thèses du FN
Le programme officiel du Front National : un Etat fort et interventionniste ainsi que le refus du libre-échange
FN et la gauche, même combat ? Un leader du Parti de gauche énervé qu'on dise que les gauchistes et les Le Pen sont sur le même terrain (anti-libéral)
L'objectif du FN : capter les peurs engendrées par la mondialisation et surfer sur l'insécurité et la souffrance sociales
Her father, Jean-Marie Le Pen, was a founder of the National Front in 1972 and served as its leader, and perennial presidential candidate, until his retirement in January, at 82. Along the way, thanks in part to his penchant for crisply expressed opinions — that the Nazi occupation of France was “not particularly inhuman,” that the gas chambers were “a detail,” that “the races are unequal,” that someone with AIDS is “a kind of leper,” that “Jews have conspired to rule the world” — he and his party became emblems of European right-wing extremism.

…Then in January, Marine — at 42, the youngest of his three daughters — won a battle to succeed her father as president of the party. Almost overnight, she brought the National Front not just back into the spotlight but also into outright competition. The polls that show her matching or outpacing [Nicolas Sarkozy] have shuffled the French political game board.

Marine Le Pen’s sudden prominence draws attention to the contrasts between her and the man she hopes to replace. Where Sarkozy is stylish, Le Pen tends toward simplicity. Where he has become, to many, a classic say-anything-to-please-anyone politician, Le Pen’s followers find her to be a straight-talker. Sarkozy is seen as representing the elitists who support the increasingly unpopular European Union, while Le Pen wraps herself in the mantle of the French republic. Even in derisive nicknames, she comes across as the stronger: Sarkozy is Monsieur Bling Bling; Le Pen has been called la peste blonde — a play on both la peste noire, the French term for the Black Death, and, more recently, la peste brune, which referred to the Nazi menace.

…This jump in support for so polarizing a figure raises a question that has ramifications not only in France but also in other places where the far right is resurgent: is Le Pen fille a different person from her father, or has racism simply become mainstream?

…The family has a closeness, and a dedication to an iconic ideal of the French state, that seems almost cultish. … Le Pen works assiduously at the fine political balancing act of remaining loyal to her father — and maintaining the support of the party’s base — while distancing herself from the elder Le Pen’s outrageousness. She has jettisoned her father’s frank anti-Semitism, but she keeps the anti-immigrant policy plank as a central feature of the platform and will occasionally use headline-grabbing rhetoric, as when in December she likened the French having to endure Muslims praying on their streets to living under Nazi occupation.
She insists that her message on immigration is not xenophobic but rather commonsensical. She pointed repeatedly to the United States as a model: “In France, we often say the U.S. is a multicultural society, but it’s not. It’s multiethnic but one single culture. I don’t say that nobody should enter our country. On the contrary, in the old days immigrants entered France and blended in. They adopted the French language and traditions. Whereas now entire communities set themselves up within France, governed by their own codes and traditions.”
…Sarkozy’s recent and highly visible use of the French military has given Le Pen another opening to exploit. She is opposed to his involvements in Libya and Ivory Coast and to globalist enterprises in general; she sees the uprisings in the Middle East to be partly a result of “policies put into place by the International Monetary Fund and the World Trade Organization toward an impoverishment of the North African countries.” Sarkozy’s aligning France with NATO might win support in the White House and 10 Downing Street, but it has done little for his popularity at home. For the country’s disaffected, it only reinforces views of him as an elitist and a globalist. Where in the United States many of the disaffected might look to a return to Christian and free-market values, their counterparts in Europe find comfort in a turn toward nationalism, which includes state protection, and away from the institutions of globalization. Le Pen is locked into that mind-set.

2011/05/03

D'éminents journalistes semblent découvrir avec stupéfaction et/ou indignation que quelques trublions ont le droit de s'exprimer

Je ne voudrais pas être discourtoise mais cette affaire de « nouveaux réacs » commence à sentir le poisson. Daniel Lindenberg avait déjà levé ce lièvre en 2002, dans un petit livre judicieusement intitulé Le Rappel à l'ordre (Seuil). Dix ans plus tard, de nouveaux « nouveaux réacs » sont donc appelés à comparaître devant le tribunal médiatique.
C'est au tour d'Elisabeth Lévy de réagir, voire de s'insurger, dans Le Monde devant le chapeau qu'essaient de leur faire porter, à elle et à d'autres penseurs politiquement incorrects, les tenants de la pensée unique, dont le moindre ne serait pas le quotidien de référence lui-même.
Qu'on se rassure, personne n'exige — en tout cas ouvertement — que l'on fasse taire « cette demi-douzaine de polémistes » qui, selon Le Monde, « cumulent chacun deux, trois, quatre collaborations rémunérées dans les médias les plus importants et une multitude d'invitations gracieuses dans les talk-shows », pendant que leurs valeureux adversaires résistent bénévolement dans des caves.

Il est vrai que ces esprits chagrins ne songent qu'à entretenir leur fonds de commerce. C'est ainsi, le bon journaliste a une pensée, le « nouveau réac » une posture. En tout cas, entre régimes amaigrissants et pouvoir des francs-macs, leur puissance médiatique est devenue un « marronnier » de saison.

Cette querelle picrocholine révèle une curieuse conception du pluralisme. D'éminents journalistes semblent découvrir avec stupéfaction et/ou indignation que quelques trublions qui ont le front de ne pas penser comme eux ont le droit de s'exprimer.

…Après tout, on a bien le droit de préférer le débat entre gens du même avis. Il est cependant paradoxal de célébrer la diversité en toute chose sauf dans le domaine des idées.

L'épouvantail « néo-réac » ressort des tiroirs au moment où ceux qui savent ce qui est bon pour le peuple réalisent, paniqués, que, malgré vingt ans de prêchi-prêcha, ce peuple ingrat, notamment sa composante la plus populaire, s'obstine à voter pour un parti désigné comme antirépublicain — mais accepté, on se demande pourquoi, dans le jeu républicain. L'ennui, c'est que le peuple est bon, d'où la nécessité de s'en prendre aux mauvais génies qui, en flattant ses plus bas instincts, l'ont encouragé sur cette pente déplorable.

Au-delà du vote FN, la « droitisation » de la société française inquiète nos grandes consciences, comme s'il était par nature bien d'être de gauche et mal d'être de droite. C'est précisément cette transformation inconsciente d'opinions, légitimes du reste, en dogmes incontestables, qui interdit toute discussion sur des sujets méritant mieux que des condamnations sommaires.

…Notre société qui adore « la transgression » passe son temps à traquer les « dérapages », terme indiquant clairement que certains points de vue sont autorisés et d'autre pas.

2011/05/02

Que veut-on ? Une idéologie dominante, avec un credo à réciter sous peine de bûcher médiatique ?

Fauché par la mort à l'âge de 47 ans, [Albert Camus] a passé un temps considérable à répondre à la haine répandue par les journaux qui se déchaînaient contre ses livres, coupables de dire la vérité en un temps où l'on préférait le mensonge avec Sartre que la vérité avec lui
rappelle Michel Onfray en évoquant le philosophe (sur lequel il écrit un livre) qui s'interrogeait, entre autres, «sur la fascination des intellectuels opposés à la peine de mort mais qui la défendent tout de même pourvu qu'elle soit infligée au nom de la prétendue bonne cause du progrès marxiste — il en reste aujourd'hui une poignée tout au culte de "l'idée communiste"...» Michel Onfray (philoshope lui aussi) entend ainsi se joindre à ceux qui, tels Yvan Rioufol ou Elisabeth Lévy, répondent aux bien-pensants, aux "humanistes", aux élites, et à tous les autres membres de leurs réseaux — dont le journal Le Monde — qui essaient de "[pulvériser] celui qui ne dit pas comme eux".
A plus d'un demi-siècle de distance, Camus pense un monde qui semble être encore le nôtre ! Il se révèle également juste dans ses analyses, quand il diagnostique que la polémique a remplacé le dialogue : "Le XXe siècle est, chez nous, le siècle de la polémique et de l'insulte." Qu'est-ce que la polémique ? "Elle consiste à considérer l'adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j'insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d'hommes, mais dans un monde de silhouettes."

On ne cherche plus à persuader, on intimide ; on ne veut pas dialoguer, on terrorise ; on ne souhaite plus échanger, on lance l'anathème, on recouvre sous des flots de haine et d'insultes, de mépris et de calomnies. Dans cette perspective, Camus propose une "morale du dialogue" et en appelle à Socrate — auquel il associe Montaigne et Nietzsche.

Quel intellectuel ne souscrit pas aujourd'hui à cette scie prêtée à Voltaire : "Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me battrai toute ma vie pour que vous puissiez vous exprimer", avant d'envoyer un formidable coup de gourdin sur la tête de celui qui ne pense pas comme lui puis d'activer les réseaux d'amis qui, dans les médias, pulvérisent celui qui ne dit pas comme eux ? Les journalistes, si souvent coupables d'inceste intellectuel, prennent ces temps-ci la plume pour dénoncer une poignée de journalistes (Zemmour en navire amiral, Robert Ménard en destroyer, Elisabeth Lévy en corvette, plus quelques autres petits bâtiments de guerre...), tous coupables d'attentats à la pensée correcte. On ne résoudra pas le problème en transformant ses adversaires en ennemis, en les stigmatisant comme pétainistes, néofascistes, crypto-vichystes, sous-marins de Le Pen et autres noms d'oiseaux qui dispensent de débattre.

Que veut-on ? Une idéologie dominante, avec un credo à réciter sous peine de bûcher médiatique ? Mais qui décide alors du catéchisme ? Ceux qui affûtent la guillotine... Je crains qu'en France le sartrisme domine encore comme une imprégnation éthologique dès qu'il s'agit du débat d'idées !

En 1955, Simone de Beauvoir écrivait dans un article intitulé "La pensée de droite aujourd'hui", repris dans Privilèges : "La vérité est une, l'erreur multiple. Ce n'est pas un hasard si la droite professe le pluralisme"... Camus, le philosophe, qui, dans Actuelles II, opposait "la gauche policière" à la "gauche libre" avait alors répondu : "Si la vérité devait être de droite, alors je serais de droite."

Arrêtons donc la haine, le mépris, l'insulte, l'anathème, la guillotine, les autodafés, les bûchers qui, pour l'instant, ne sont que de papier. Si d'aventure le débat véritable prenait la place de la polémique, nul doute que reculerait un peu le spectre des échafauds concrets.

Rioufol évoque le comportement absurde du discours unique qui souligne le désarroi des idéologues confrontés à l'effondrement de leurs utopies

Tout ce qui est répété [en politique] est contredit au quotidien. Or cela n'empêche pas les esprits automatiques de s'arrimer aux dénis du réel en jugeant relaps les contradicteurs. Ce comportement absurde souligne le désarroi des idéologues confrontés à l'effondrement de leurs utopies. Trente ans de pilonnage n'ont cessé de contourner les faits et de prendre les gens pour des imbéciles. Aujourd'hui, cela se voit…
C'est ainsi que Yvan Rioufol répond aux bien-pensants, aux "humanistes", aux élites, et à tous les autres — dont le journal Le Monde — pour qui "la méthode Coué appliquée à la politique et à l'information ne consiste pas seulement à n'admettre qu'un discours unique", elle "oblige à ne voir que ce qui est autorisé par la doctrine."
Les journaux «progressistes», acteurs du bourrage de crâne, en sont à dresser la liste de ceux (Éric Zemmour, Élisabeth Lévy, Robert Ménard, Éric Brunet, votre serviteur) qu'ils accusent d'accaparer la parole au prétexte qu'ils n'observent pas les codes de la pensée labellisée. Parce que ces cinq-là semblent trouver l'écoute d'une opinion rebelle qui a investi Internet, ils irritent la caste dépossédée de son monopole. Les épinglés seraient réactionnaires, ultraconservateurs, extrémistes. Voire néofascistes ou postnazis, puisque leurs discours se rapprocheraient de ceux des années 1930, comme le récitent des historiens du dimanche: procès authentiquement staliniens, ceux-là.

Cette poignée d'accusés révèle en fait l'intransigeance d'un journalisme militant rejetant le choc des idées. Ce que disent les hérétiques devrait passer inaperçu: ils défendent la liberté d'expression, la laïcité, le modèle républicain. Y voir les signes d'une pensée rétrograde et totalitaire est un non-sens effrayant. Si la démocratie est menacée, c'est par ceux qui en contestent les règles, à commencer par la tolérance.

… La comédie des bons sentiments touche à sa fin. À moins de se ridiculiser davantage, le monde politique ne peut plus recourir aux faux-semblants humanistes utilisés pour méconnaître le réel. …