…"En réponse aux tortures"!
Que ce soit bien clair, donc…
Que ce soit bien clair : les exactions commises à l'encontre des Américains sont une réaction, une réaction par rapport à ce qui est symbolique de l'impasse dans laquelle s'est fourvoyée l'administration Bush. C'est une réaction par rapport aux fautes, que dis-je, par rapport aux crimes commis par les Américains (ou, si l'on préfère, par rapport aux décisions désastreuses de leurs dirigeants)…
Il faut donc bien rappeler à tout le monde que quelque part, les Yankees sont coupables, qu'ils "l'ont bien mérité"…
Il faut que tout le monde sache que c'est à cause des Américains qu'il existe maintenant une menace pour le monde entier.
Oui, les membres d'Al-Qaida sont bien des sauvages, mais, quelque part, leur comportement a un sens logique et quelque part, ils ont une volonté de résister…
Oui, c'est ça. Quelque part, ce sont des résistants… Ne parle-t'on pas d'ailleurs de "la résistance irakienne"?… (Ah, de Gaulle, les années 40…)
Vous vous souvenez comment Le Monde avait intitulé l'article révélant les agissements de certains GIs à Abou Ghraib, n'est-ce pas? Oui, souvenez-vous : "Le traitement humiliant d'Oncle Sam en réponse aux attentats" (suite à quoi le journaliste français a expliqué en quoi les prisonniers ainsi traités l'étaient parce qu'ils avaient été responsables de la mort de nombre de soldats américains et, sans doute, de concitoyens irakiens, civils comme militaires, en les mitraillant ou en posant des bombes).
Ah, ah! je vous ai bien eus, hein? Elle est bien bonne. Ho, ho. Évidemment que non, Le Monde n'a jamais écrit une chose pareille à propos d'Abou Ghraib. Pas fou, non? Ne soyez pas naïfs! Quand les Américains sont impliqués dans un scandale, quelle qu'en soit l'ampleur, il faut dépeindre les victimes, réelles ou non, comme des innocents — que ce soit en Irak, à Guantánamo, dans le couloir de la mort, ou n'importe où ailleurs…
(Par contre, il ne faut jamais faire grand état ni de nouvelles qui humanisent trop les Américains (ou leurs leaders) ni d'infos qui donnent une image négative à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, les combattent. Éric Fottorino, qui a écrit moult choses sur le traitement des prisonniers d'Abou Ghraib, préfère aujourd'hui parler des producteurs de choux. Nous allons revenir à Nick Berg, et rester avec lui. Sachez, toutefois, que dans ce même numéro du Monde, on apprend que tous les Français détenus à Guantanamo vont bientôt être libérés et que le Brésil expulse un journaliste étranger (américain). Or, ces infos seraient plutôt positives pour les Ricains et plutôt mauvaises pour Lula, le président qui aurait "incarné l'espoir de tous les Brésiliens". Donc… Le Monde en fait de vulgaires dépêches!)
Mais nous disions donc qu'en France, il faut toujours faire tout son possible afin de dépeindre les victimes des Américains, réelles ou non, comme des innocents…
Justement. Justement… il y a le dessin du jour. Le dessin de notre ami Plantu. Celui qui accompagne l'article La vidéo barbare d'Al-Qaida en réponse aux tortures.
Souvenez-vous de mon dernier post… Celui qui s'intitulait Tout moyen est bon pour caricaturer le leadership américain. On aurait pu ajouter "pour fustiger, pour condamner, pour ridiculiser", etc, le leadership américain.
Alors que s'est-il passé ici? Eh bien Plantu et/ou les éditeurs du Monde se sont dit, voilà une occasion rêvée pour fustiger le leadership de Bush, de Rumsfeld, et de l'armée américaine. Dépeignons Nick Berg comme un troufion pour montrer que ce pauvre jeune américain est victime de la fourberie des instances dirigeantes américaines — victime de ses propres leaders!
Tous les moyens sont bons : Dominique Dhombres met encore une fois George W Bush et Ben Laden sur un pied d'égalité. Et il faut aussi publier tous les courriers qui soutiennent les arguments auto-congratulatoires de l'Hexagone (tout en évitant soigneusement celles qui feraient trop de publicité sur les éventuels dérapages de la part de la rédaction). Ainsi, dans le même numéro du journal, une lettre qui appelle les soldats américains "une armée de mercenaires" ("Les soldats mis en cause ne sont-ils pas des réservistes, civils prêts à s'engager pour l'appât du gain?", opinion soutenant la sempiternelle opinion que le gouvernement est naturellement bon et que quand les instances de l'État prennent les choses en main, tout va pour le mieux) ; elle est suivie d'un courriel qui pose cette question : "Crimes de guerre ou crimes contre l'humanité? Peut-être les deux", avant d'ajouter que des tribunaux internationaux devront juger "les criminels américains ou britanniques". Il n'en fallait pas beaucoup pour que les Yankees (et leurs alliés) soient accusés d'être de vulgaires mercenaires coupables de crimes contre l'humanité — en leur temps, je ne me souviens pas qu'on se soit répandu en invectives contre les sbires de Saddam Hussein avec autant de fougue.
(On remarquera que l'une des façons qu'ont des responsables du quotidien de référence pour faire passer des opinions que d'aucuns pourraient qualifier d'extrêmistes, de crapuleuses, de carrément partisanes, ou tout simplement de pas très journalistiques, est de publier celles-ci sous forme de lettres (je ne prétends pas que celles ci-dessus soient fausses, c'est-à-dire écrites par des membres du quotidien, je dis juste qu'en les recevant, les rédacteurs doivent se dire "ah, très bien, une lettre qui exprime noir sur blanc ce que nous essayons de mettre entre les lignes") ou de faire en sorte que les journalistes expriment ces opinions en les camouflant sous une question apparemment objective. Exemple : "Certains pensent que les Américains ont bien mérité le 11 septembre. Êtes-vous d'accord?" (question posée au ministre des affaires étrangères d'un pays sud-américain, je ne me souviens plus de quel pays).)
Vous souvenez-vous de la conclusion de mon post précédent? Il disait : "Mais, évidemment, cela n'est pas quelque chose qui contribue au combat sacré contre George W Bush et la société horrifiante qu'il représente. Donc, on le notera très vite en passant (ou en disant "Ça ne veut rien dire") et on l'oublie avant de passer à l'attaque suivante sur l'Oncle Sam."
Il est vrai que Nick Berg était… un Américain. Il est vrai que s'il n'était pas exactement un membre de la coalition, c'était un homme qui travaillait avec celle-ci. Donc… puisque tous les moyens sont bons pour fustiger le leadership américain… c'est quelque chose sur laquelle il ne faut pas faire couler trop d'encre… C'est quelque chose sur laquelle il ne faut pas verser trop de larmes…