2018/06/12

Sécurité Routière — Ne serait-ce pas une idée de se poser une question toute simple : Quelle est la perspective de nos voisins ?

Plus on crée des lois,
plus on crée des criminels

— Lao Tseu

Lorsque le gouvernement craint le peuple, il y a la liberté;
lorsque le peuple craint le gouvernement, il y a la tyrannie.
 
— Thomas Jefferson

    Vendredi 5 janvier 2018, Manuel Valls et une poignée d'ex-dirigeants de la Sécurité Routière signaient un appel pour soutenir la réduction de la vitesse (sic) à 80km/h sur 400.000 km de routes secondaires, une mesure contre laquelle, selon eux, "il n'y a aucun argument".

    Aucun ?

    Que dire du fait qu'aucun (!) des autres 27 pays membres de l'Union Européenne ne semble avoir de projets de suivre la France dans cette croisade contre le progrès ?  Puisqu'on nous vante sans cesse l'Europe et la construction européenne, ne serait-ce pas une idée d'étudier la sécurité routière chez nos voisins, voire au-delà des frontières de l'UE ?

    Pour prendre les seuls pays de l'Union, il n'y a aucun des autres 27 (ou 26, après le Brexit) gouvernements qui semble manifester un tel acharnement à truffer leurs pays respectifs de radars toujours plus puissants et plus sournois, voire à matraquer à un tel point les citoyens de leur pays.  Aucun autre n'utilise des études tant archaïques que fantaisistes (cf la formule mathématique des années 1970 — jamais reproduite par autrui — qui prétend que diminuer la vitesse d'un km engendre ipso facto 4% de tués en moins) ainsi que des expériences dont les résultats sont tenus secrets.

    De toute évidence, il ne semble y avoir aucun autre pays qui a la moindre intention de baisser les limites de vitesse (sic).  Au contraire, du Danemark à l'Italie, les limitations de lenteur sont revues à la hausse, du moins sur certaines portions du réseau routier.

    En effet, on a pu lire dans les journaux italiens le choc des journalistes devant la politique française du tout radar et de la sanction permanente, le « tout-répressif » trouvé en France.

    "Il n'y a aucun argument" ?! En Autriche, l'expérimentation faite sur les autoroutes en 2006-2007 a été de porter la limitation de 130 km/h à 160 km/h, ce qui n'a pas eu le moindre effet négatif.  (Grâce (sic) au lobby écologiste autrichien, la limite est restée la même qu'en… 1973.)

    La majorité des pays européens ont limité la vitesse à 50 km/h dans leur agglomération, explique la Ligue de Défense des Conducteurs, alors qu’en France
la nouvelle lubie des maires est de mettre en place une vitesse réglementaire de 30 km/h.
     En Grande-Bretagne, depuis 2011, les Anglais ont supprimé plusieurs centaines de radars, le ministère des Transports avouant que leur implantation n’a pas eu de véritable impact sur la sécurité routière.  On ne cherche pas à faire de la répression aveugle contre les automobilistes, précise Adrien Sallé sur ABC Moteur :
Le ministre des transports britannique, Patrick McLaughlin, est clair : le but n’est pas de faire tirer des revenus des radars. Ils sont installés dans une optique de prévention. En 2016 les boîtes flasheuses installées sur les axes rapides ont été peintes en jaune pour être visibles de loin par les conducteurs.
    Rappel : selon les chiffres de la Commission Européenne, les Allemands ont proportionellement moins de morts sur la route que la France par million d'habitants, et ce, alors que non seulement l'autobahn n'a pas le dégré de répression et de persécution qu'ont à affronter les automobilistes français, mais qu'en plus il n'y a pas la moindre limite de vitesse sur la vaste majorité du réseau allemand (66% du réseau, au moins, contrairement aux fabulations de Chantal Perrichon et de sa Ligue Contre la Violence Routière (sic)).

    Que dit la Commission sur l'efficacité de la répression des conducteurs ?  Eh bien, sur 28 pays, la nation exhibant la pire répression des conducteurs sur le continent (j'ai nommé la France) comptait 53 morts par million d'habitants en 2014, en 15ème place du classement et se trouvant au-dessus de la moyenne, tandis que le pays de la vitesse complètement libre sur autoroute (j'ai nommé l'Allemagne) en comptait 42, en 8ème place du classement et donc en-dessous de la moyenne.

    Quant à la double peine (retrait de point + amende) systématique appliquée en France, la LDC explique qu'en
Allemagne par exemple, le code de la route fait la différence entre une petite erreur et celle qui peut entraîner la mise en danger d’autrui. Ainsi, lorsque l’automobiliste dépasse de quelques km/h la vitesse autorisée, il paye une amende mais n’accumule aucun point sur son permis [le système de permis à point fonctionne à l’inverse du nôtre : les conducteurs allemands accumulent des points à chaque infraction]. Pour un excès de vitesse inférieur à 20 km/h, pas de double peine. C’est pour une politique intelligente de ce type que se bat la Ligue de Défense des Conducteurs. En effet, en France 80 % des amendes [et donc des points perdus] liées à la vitesse concernent un dépassement de la vitesse de moins 20 km/h.
    Par ailleurs, la France se doit d'être un "modèle social" dans bien d'autres domaines liés à la route — un modèle social qu'aucun autre pays ne semble suivre.  Ainsi, sur les autoroutes — ces routes qui sont les plus sûres quelque soit le pays — il n'y a pas le moindre péage dans la vaste majorité des pays de l'Union Européenne.

    Et les ronds-points ? Ah, avec le plus de giratoires au monde, les Français sont les maîtres des ronds-points !
Campagne, rase-campagne, banlieue, ville, village, centres commerciaux… Aucun endroit n’échappe à la folie des giratoires : notre pays en compte plus de 40 000. Et cette idée fixe nous coûte très cher.
Autre info dans le domaine de la route début 2018 (vous avez dû en entendre parler un peu partout, à la télé, à la radio ou dans vos journaux) : avec le Masque d'André Malraux, Pontarlier (Doubs) peut se vanter d'être le gagnant du concours du pire rond-point de France.

C’est sous la forme de ce concours que Contribuables Associés a voulu dénoncer les coûts exorbitants des ronds-points et de leurs aménagements qui vont au-delà de la sécurité routière : 20 milliards d’euros au total !

    Revenons à la lenteur (pardon, à la vitesse), mais en élargissant nos horizons :

    De l'autre côté de l'Atlantique, un trooper de la Michigan State Police, Thad Peterson, explique que "l'une des choses les plus sécuritaires à faire, c'est d'augmenter la limite de vitesse."

    En effet, augmenter la limite de 90 km/h à 100 km/h en Colombie Britannique a amené une baisse d'accidents (similaire au Danemark) de presque 13% ; tandis que de l'autre côté de la planète, les Australiens ont vu le nombre d'accidents et de morts baisser lorsque la limite de 130 km/h sur une section de 336 km de la Stuart Highway a été supprimée au profit de la vitesse complètement libre (comme en Allemagne), dans le but avoué de (tenez-vous bien) "rendre la responsabilité aux automobilistes".

    S'il faut en croire la Parker Study par le Federal Highway Administration de 1997 — des études de baisses ou d'augmentations des limites de vitesse à travers les États-Unis sur un échantillon de la bagatelle de 1,6 millions de véhicules (!) — le nombre d'accidents diminuait lorsque la limite de vitesse (sic) augmentait et le nombre augmentait lorsque la limite diminuait.

    Une étude de la National Motorists Association dévoile ce qu'on appelle le Paradoxe du Montana :
La période la plus sûre sur les routes Interstate du Montana était quand il n'y avait aucune limite de vitesse pendant les heures du jour.
    Dans La seule chose que la vitesse tue c'est votre portefeuille (voir Speed Kills Your Pocketbook sur Youtube), le Canadien Chris Thompson compare les limites de son pays (parmi les plus basses du monde occidental) à celles de l'Allemagne, où il y a deux fois moins de morts par habitant.

    On serait presque tenté de poser la même question que pose AutoBlog, un magazine d'autos américain :
Se pourrait-il que la sécurité routière ait moins à voir avec la sécurité qu'avec la récolte des dollars?
    Il y a une bonne nouvelle à annoncer :

    Une grande majorité parlementaire a exprimé sa colère en apprenant le projet du gouvernement concernant la police, celui de recueillir plus de PV, de sorte que les écarts sur le budget du ministère de la justice peuvent être bouchés. Les députés veulent mettre un terme au système que cette pratique engendre.  De même, des échos de protestation de la part des policiers eux-mêmes ont retenti.

    Il y a aussi, malheureusement, une mauvaise nouvelle à annoncer :

    Ce n'est pas en France que cela se passe, mais aux Pays-Bas. Ces informations néerlandaises nous viennent de Jorn Jonker et Gijsbert Termaat dans De Telegraaf. Les titres disent tout :
Les policiers n'ont pas l'intention
de servir d'agents intérimaires du fisc
Stop aux conflits d'intérêt
L'autorité de la police minée
    Les politiciens hollandais disent qu'il y a maintenant un «effet pervers» pour le ministère à distribuer autant de PV.  Cela ne concerne plus la sécurité sur la route, mais l'argent.  Jan Struijs, président de la Fédération de la Police Néerlandaise (NPB), dit que les agents n'ont pas l'intention de travailler comme agents du fisc. Il prédit que la population va réagir avec aggressivité envers les flics.
« Avec ce genre d'annonces, le gouvernement porte atteinte à l'autorité de la police. »
    En France aussi, les policiers ont essayé de protester, mais sans résultat.  En 2012, Michel Nowacki, responsable de la sécurité routière au syndicat Unité SGP-Police, déplorait ce phénomène :
« Nous sommes dans une politique de répression et non de lutte contre les accidents. »
    Quant au Syndicat Indépendant de la Police Nationale, il se plaignait que les policiers ne soient plus des "anges gardiens" et des "arbitres" mais des percepteurs déguisés.

    Dans leur lettre du 5 janvier 2018 — utilisée comme prétexte quatre jours plus tard par le premier ministre, Edouard Philippe, pour baisser la limitation de lenteur (pardon, de vitesse) de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires à double sens — M. Valls et les gros bonnets de la Sécurité Routière trouvent "indécent de parler de 'pompe à fric'."

    Pour tous ces champions auto-proclamés du discours et de la discussion, dès que la conversation va dans une direction qui ne leur plaît pas, ils sont prêts à traiter tous ceux qui ne sont pas d'accord avec eux et avec la vogue politiquement correcte du jour de tous les opprobres habituels — des gens indécents, irrespectueux, réactionnaires, racistes, sexistes, homophobes, fascistes, déplorables, etc, etc, etc…

    Tous ces "Schleus", tous ces "Ritals", et tous ces "Ricains", en compagnie de tous les autres voisins de l'Hexagone, ce sont apparemment des brutes incapables qui, contrairement aux braves timonniers de la société française, ces valeureux chevaliers sur leurs destriers blancs, rêvent de morts horribles pour leurs concitoyens.

2018/06/11

Nous vivons sous le régime des plaintifs : la tyrannie des susceptibles

The main story of this week's Le Point — which has become France's best weekly — is about the tyranny of the thin-skinned and the cacophony it entails, leading Raphaël Enthoven to say that we are living under the régime of the doleful:
The unanimous decision is the art of destroying or discrediting…
"New censors are raging. In the name of goodness, they control the language, are hermetic to humor, and pretend to be victims."



Sébastien Le Fol : « C'est la tyrannie des susceptibles »


Publié le | Le Point.fr




De nouveaux censeurs sévissent. Au nom du bien, ils contrôlent le langage, sont hermétiques au second degré et se posent en victimes. Enquête dans "Le Point" de la semaine.