2004/09/25

La barbarie banalisée en Irak (lorsqu'elle est appliquée contre les Américains)

"Alors que la presse s'était déchaînée des jours entiers contre les Américains, pour les humiliations qu'ils avaient fait subir à des détenus dans la prison d'Abou Ghraïb, ses indignations paraissent comparativement bien modérées devant l'inhumanité de ceux qui tranchent des têtes" en Irak, écrit Ivan Roufol, qui évoque aussi le refus des agences de presse et des médias français, de diffuser un communiqué sur ce sujet :

Chirac, «Voix de la France»

Jacques Chirac, lundi devant l'ONU à côté du président brésilien Lula da Silva, du Chilien Ricardo Lagos et de l'Espagnol José Luiz Zapatero, pour réclamer l'instauration d'un impôt mondial afin de lutter contre la pauvreté dans le monde. Plus que jamais, le président de la République entend être l'antithèse de George Bush, qui justifiait le lendemain, devant les mêmes Nations unies, son intervention en Irak. Chirac se veut d'autant plus pacifiste, tiers-mondiste, multilatéraliste, onusien et de gauche que Bush apparaît combatif, libéral et de droite.

Les Français découvrent chaque fois davantage leur président militant. Il ne ressemble plus en rien au Chirac de 1988 qui donna l'ordre de prendre d'assaut la grotte d'Ouvéa (vingt et un morts), ni à celui de 1995 qui relança les essais nucléaires dans le Pacifique, et encore moins à celui de 1999 qui approuva le bombardement de la Serbie sans l'accord de l'ONU. Aujourd'hui, quand le chef de l'État déclare des guerres, c'est contre le cancer, l'insécurité routière et les conditions subies par les handicapés. Il est la compassion même. Un profil de prix Nobel de la Paix.

Cette politique «soft», qui déborde de bons sentiments et a reçu cette semaine l'aval du mouvement altermondialiste Attac, cherche le soutien de l'opinion internationale, qui fait tant défaut aux États-Unis. Chirac ne prend guère le risque de la décevoir, en prônant des taxes sur les armements, sur les transactions financières ou sur les bénéfices des multinationales pour collecter les dollars au profit des pays les plus pauvres. Dans la gestion de la mondialisation, la «Voix de la France» s'impose grâce à lui comme une référence.

Reste cependant, derrière cette popularité flatteuse, un doute sur l'efficacité de cette posture qui évite l'action et se réfugie dans les mots. «Jusqu'à présent, force est de constater que de telles idées n'ont jamais dépassé le stade de voeux pieux», faisait savoir, mardi, la Commission européenne, en commentant le projet d'une fiscalité mondiale. Surtout, Jacques Chirac, qui défend les subventions agricoles nationales, est de ceux qui empêchent les pays les plus pauvres d'exporter leurs productions et donc de s'enrichir. Autant d'ombres sur la perfection du message présidentiel. …

La barbarie banalisée en Irak

Le plus choquant, dans ces égorgements d'otages en Irak, reste la pondération de la majorité des médias français qui parlent d'«exécutions» comme si une justice était rendue. Aveuglés par leur antiaméricanisme, ils se montrent incapables de dénoncer la barbarie islamiste qui s'étale aux yeux du monde et donne envie de vomir. Alors que la presse s'était déchaînée des jours entiers contre les Américains, pour les humiliations qu'ils avaient fait subir à des détenus dans la prison d'Abou Ghraïb, ses indignations paraissent comparativement bien modérées devant l'inhumanité de ceux qui tranchent des têtes aux cris d'«Allah Akbar» («Dieu est le plus grand»), en récitant des versets du Coran.

Avant Eugene Armstrong et Jack Hensley, décapités cette semaine par le boucher al-Zarkaoui, près d'une vingtaine d'otages ont été assassinés au couteau et filmés dans leur agonie, jusqu'à ce que le bourreau pose la tête sur le dos du supplicié : une violence insupportable mais pourtant banalisée, comme le déplore avec raison le Syndicat de la presse communication-CGC, qui dénonce également une «instrumentalisation de l'information» et appelle à «un grand débat» sur ce problème. Mais ce syndicat ne peut accéder aux agences de presse et aux médias français, qui refusent de diffuser son communiqué.

A constater aussi, évidemment, le silence pesant de ces «plus hautes autorités de l'islam» saluées hier par la France pour s'être indignées que l'on puisse prendre en otages deux journalistes français.

2004/09/20

"Venant d'un pays qui a longtemps souffert du totalitarisme, je ne peux oublier cette indifférence d'une partie de l'opinion internationale"

Cette interview avec Bronislaw Geremek a été faite alors que la figure historique de la résistance polonaise au communisme briguait la présidence du Parlement européen.
Arnaud Leparmentier : Vous avez été attaqué pour votre soutien à la guere en Irak. Comment réagissez-vous?

Cette attaque me peine beaucoup. Dans la guerre d'Irak, il y avait le refus d'accepter une des dictatures les plus sanglantes de notre siècle. Je ne suis pas malheureux de penser qu'il y aura maintenant un dictateur de moins.

…On ne peut pas voir dans mon attitude un engagement pour une politique américaine. Il y avait un engagement pour les valeurs morales qui devraient être présentes dans la politique internationale. Venant d'un pays qui a longtemps souffert du totalitarisme, je ne peux oublier cette indifférence d'une partie de l'opinion internationale. On devrait établir une sensibilité éthique à l'égard des problèmes internationaux. Ce n'est ensuite qu'il faut poser la question politque, tout à fait justifiée, de l'efficacité de l'action.

Lire comment le quotidien dénigre
le courage et l'attitude de fermeté
en taxant la société polonaise
d'opinion publique apathique