2004/10/10

De "trop nombreuses marques de compréhension ont été offertes aux ennemis de l'Occident par une République «pacifiste»"

De trop nombreuses marques de compréhension ont été offertes aux ennemis de l'Occident par une République «pacifiste», écrit Ivan Rioufol dans son bloc-notes du Figaro. "Le dialogue mené par la France avec la rébellion irakienne n'obligeait pas à s'en flatter. Or c'est bien ce sentiment qui ressort. … La légèreté [de Didier Julia] procède de cette même erreur [d'optimisme], qui a été de croire en l'efficacité d'une politique de collaboration s'estimant seule capable d'apaiser la frustration islamiste.
Le député UMP Didier Julia … qui eut ses entrées auprès de Saddam Hussein, a d'autant plus ridiculisé la France qu'il a cherché à mettre sur le dos des Américains, en un réflexe caricatural, le fiasco de son initiative irakienne … Mais les sarcasmes jetés sur Julia et ses vantardises médiatiques ne peuvent faire oublier les récentes et semblables impudences des pouvoirs publics et de leurs émissaires, se flattant, en vain, d'avoir «une bonne image» en Irak.

Naturellement tout doit être tenté – quitte à se boucher le nez – pour obtenir la libération des otages kidnappés par l'Armée islamique. De ce point de vue, le choix de la France de privilégier des approches avec des terroristes islamistes décapiteurs de «mécréants» ou d'anciens baasistes nostalgiques du djihadisme «laïc» de Saddam ne peut être critiquable. Que l'Élysée ait été au courant de l'initiative du député n'est pas non plus un scandale. Le sort de nos compatriotes et de leur chauffeur syrien n'autorise pas à faire la fine bouche.

Cependant un malaise s'est révélé à l'occasion de cette pantalonnade. Il est né des concessions à l'islamo-terrorisme, crânement assumées par la France au nom de sa politique pro-arabe et anti-Bush. L'heureux choix du ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, d'expulser mardi l'iman fondamentaliste de Vénissieux Abdelkader Bouziane, après la décision du Conseil d'État de mettre fin à la suspension de son arrêté de reconduite à la frontière, ne peut faire oublier les trop nombreuses marques de compréhension qui ont été récemment offertes aux ennemis de l'Occident par une République «pacifiste».

Le dialogue mené par la France avec la rébellion irakienne n'obligeait pas à s'en flatter. Or c'est bien ce sentiment qui ressort. Si l'on peut reprocher à Didier Julia ses effets d'annonce, les faits rappellent que des membres du gouvernement et du Conseil français du culte musulman auront fait preuve d'un pareil optimisme en annonçant les libérations pour le 3 septembre. La légèreté du député procède de cette même erreur, qui a été de croire en l'efficacité d'une politique de collaboration s'estimant seule capable d'apaiser la frustration islamiste.

A cette naïveté est venue s'ajouter une série de rapprochements avec la cause fondamentaliste. Ce sont les intégristes de l'islam de France qui ont, un temps, pris le pas sur la diplomatie à Bagdad. Ce sont les mouvements terroristes du Hamas, du Hezbollah et du Djihad qui ont apporté leur soutien à la France en remerciement de sa position antiguerre. C'est le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, qui s'est fait l'avocat de cette «résistance» irakienne qui refuse toute perspective de démocratisation du pays.

Ces signes sont venus brouiller le message de la France, berceau des droits de l'homme. Ils autorisent à se poser la question indigne : dans quel camp sommes-nous vraiment ?

Le prix du pacifisme

Quand elle le veut, la France sait porter des coups aux ennemis des démocraties. Elle l'a démontré magistralement cette semaine en procédant, en coopération avec la police espagnole, aux arrestations dans le pays basque français de deux hauts responsables de l'ETA et en mettant au jour des caches d'armes impressionnantes (dont deux missiles sol-air). Aussi, lorsqu'elle dit refuser de faire la «guerre au terrorisme» islamique – Dominique de Villepin trouve cette expression «inexacte et dangereuse» –, laisse-t-elle entrevoir une réticence à regarder les réalités en face et à admettre qu'un nouveau totalitarisme, coranique celui-ci, a déclaré la guerre à l'Occident et à ses valeurs, le 11 septembre 2001.

Toute l'ambiguïté de la politique pro-arabe de la France, qui estime pouvoir éviter ainsi un choc de civilisations, tient dans cette sous-évaluation de la menace fondamentaliste qui veut d'abord mettre au pas les musulmans eux-mêmes. Observer notre politique en Irak permet de constater qu'elle aura tout d'abord tenté de protéger un dictateur qui appelait au djihad et qui s'était réjoui du 11 septembre, et qu'elle aura ensuite reconnu à la «résistance» islamiste et baasiste des raisons de commettre des attentats contre les alliés et des civils irakiens. De quoi être dérouté par ce qui peut être compris comme un défaitisme, même si la récente critique française contre la présence militaire syrienne au Liban vient atténuer cette interprétation.

Le pacifisme français risque de se payer cher. Il fait le jeu d'une idéologie islamiste qui sait se présenter comme victime et émouvoir les belles âmes, mais qui est intransigeante, sexiste, antichrétienne, antisémite. On en voit les premiers dégâts quand il est devenu honteux de se dire pro-américain ou, pire, pro-sioniste …

Il serait utile pour la France de dresser le bilan de sa politique, qui ne peut s'évaluer seulement à travers les sympathies recueillies auprès de l'opinion internationale. La résistance, quand elle consiste à s'opposer systématiquement aux Américains et aux Israéliens et à excuser l'islamisme conquérant, ne peut qu'attiser l'esprit munichois, persuadé de pouvoir acheter la paix au prix d'arrangements. L'échec de la diplomatie française, révélée par l'affaire Julia, montre les limites d'une politique pro-arabe trop empathique, complaisante, manipulable. …