2013/08/18

Les images et la rhétorique des Le Pen et du FN

aroles, paroles, paroles... » Marine Le Pen aime chanter ce tube de Dalida pour dénoncer les promesses de vent de ses adversaires politiques. Pourtant, s'il est bien un parti qui, faute de mandat exécutif, existe avant tout comme discours, c'est le Front national. Car tout autant qu'un groupe politique, c'est un système de communication global - des hommes mais aussi des mots -, qui explique son succès.
Depuis sa fondation, en 1972, selon Cécile Alduy dans Le Monde, le Front national s'appuie sur un imaginaire de la décadence française, un récit anxiogène d'une redoutable efficacité
Dès la fin des années 1970, les leaders du parti, s'inspirant du théoricien socialiste Antonio Gramsci, se lancent explicitement dans une bataille sémantique. Or un retour sur quarante ans de parole frontiste révèle une remarquable stabilité des structures profondes de ce discours extrême. Au-delà des effets de surface - néologismes et calembours du patriarche, humour policé de la fille -, ce sont les mêmes mythes ancestraux que propage le Front national depuis sa création en 1972 : décadence, nostalgie d'un âge d'or révolu, théorie du complot et appel au chef messianique trament un récit national d'une efficacité redoutable.

L'une des forces du frontisme est d'être une forme de discours qui fait immédiatement sens. La cohérence anthropologique de la vision du monde qu'il véhicule explique en partie la longévité politique et l'attractivité d'un parti dont le programme s'est pourtant fossilisé en 1978.

La cosmologie lepéniste est fondamentalement une eschatologie : la fin du monde, ou plutôt de la France, est annoncée à longueur d'années. Jean-Marie Le Pen est le prophète des visions apocalyptiques : barbarie, anarchie, fléaux, et « torrents de sang » émaillent ses textes. Marine Le Pen se contente de rationaliser le vocabulaire millénariste dont elle hérite.
Un deuxième article de Cécile Alduy vient complèter la page, La rhétorique diabolique des Le Pen :
EAN-Marie Le Pen jouait volontiers au diable ; Marine Le Pen se campe en ange laïc. Mais la « dédiabolisation » ne signifie pas l'abandon d'une mythologie manichéenne d'inspiration biblique : le potentiel émotionnel de cette configuration fantasmatique est trop puissant pour ne pas être exploité.

Jean-Marie Le Pen a sciemment participé à sa propre diabolisation. Très tôt, il comprend l'intérêt médiatique et la légitimité morale paradoxale que cette double posture de victime et de trublion lui confère. Tandis que l'ethos victimaire fait de lui un martyr, il puise son autorité dans une parole subversive, donc vraie : Lucifer « porteur de lumière » dit les vérités qu'on ne veut pas entendre.

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