2004/05/03

Qu'a changé pour les Bagdadis depuis un an?

Un an après la chute de Bagdad, Rémy Ourdan écrit un article spécial pour Le Monde sur ce qui a changé dans la vie des Bagdadis. On y voit toute la misère, celle apportée par les Ricains et leur guerre, que décrivent si bien et si souvent les journalistes européens.
Le café Shahbandar n'a pas changé. Un an après la chute de Saddam Hussein et la victoire américaine, on s'y retrouve toujours chaque vendredi, entre gens de bonne compagnie. C'est là, au bout de la rue Mutanabi, "la rue du marché aux livres", qu'écrivains, artistes et journalistes irakiens discutent des événements de la semaine en buvant le thé et en fumant des narguilés.

"Si, quelque chose a changé", murmure Najid Hamid, un photographe qui documente depuis une décennie la vie dans le plus vieux café de Bagdad.

"Quand je regarde tous ces visages sur mes photographies, de retour chez moi, je m'aperçois que quelque chose a changé..." Il scrute la salle, tous ces hommes assis sur des bancs, discutant, râlant, riant.

"La différence, c'est la joie, dit Najid. Auparavant les visages étaient fermés et tristes ; aujourd'hui ils sont ouverts et joyeux." Le plus drôle est que même ceux qui n'arrêtent pas de pester, de prédire une "catastrophe", ceux qui affirment que "c'était mieux avant", révèlent sur les photos de Najid un visage pétillant qu'ils n'affichaient pas il y a un an.

"Chaque vendredi, c'est l'engueulade. Les conversations entre amis sont à la fois plus formidables et plus difficiles qu'avant. Nous avons perdu notre unique point commun : la vie sous la dictature", raconte Zuher Radwan. Analyste politique et critique littéraire d'origine palestinienne, Zuher, bien qu'étant un nationaliste arabe opposé aux Etats-Unis, confiait en 2003 qu'il souhaitait la guerre. "J'avais raison, dit-il. Le changement, c'est excellent. Ça valait bien une guerre..." Et Zuher de reprendre l'argument de tous ses compatriotes favorables à l'intervention américaine. "Les Irakiens n'auraient jamais pu renverser Saddam Hussein seuls." …

"Etre Irakien, c'était avoir la sensation d'être menotté dès la naissance, et cette guerre, c'est la sensation que quelqu'un est enfin venu nous enlever ces menottes, raconte Esam Pasha.
Une grande partie de l'article, il est vrai, concerne les plaintes par rapport aux Américains, mais Ahmed Al-Safi met ces plaintes en perspective :
"Je crois que l'Irak va mieux depuis un an. Tous les Irakiens passent leur temps à se plaindre, à souligner les mauvais côtés de l'occupation, mais je crois quand même que l'Irak va mieux. Personne n'aime voir une armée étrangère envahir son pays, mais c'était la condition du changement."

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