2004/06/02

Quand ce n'est pas aux fascistes que les Américains sont comparés, c'est aux staliniens

Comparant l'anti-américanisme primaire à "un américanisme primaire, suiviste et automatique", Edwy Plenel termine ainsi son édito dans Le Monde 2 de cette semaine :
Il y a un demi-siècle, les communistes orthodoxes faisaient taire le critiques du socialisme réel, fussent-elles de gauche, en les disqualifiant sous un label similaire — anticommunisme primaire! Or nombre de ces critiques manifestaient un souci autrement concret des peuples soviétiques et de leurs libertés. Aujourd'hui, certains défenseurs de l'administration Bush font de même, démonisant à priori toute critique de celle-ci, fût-elle d'origine américaine. Ce faisant, et comme certains communistes d'hier, ils manifestent un amour aveugle de la puissance et font preuve d'une grande indifférence pour les peuples, au premier chef desquels le peuple américain.
Le Monde, dont la réticence pour reconnaître ses positions pro-soviétiques a été bien documentée par le passé, ne sait de toute évidence pas qu'il existe en Amérique la liberté d'expression, et que celle-ci vaut aussi bien pour George W Bush, les membres du gouvernement, et leurs défenseurs que pour tout autre citoyen. Surtout, le quotidien de référence ne semble pas savoir qu'il existe une différence entre un système à parti unique où les recalcitrants peuvent être baîllonnés, emprisonnés, et fusillés dans le plus grand secret (et avec impunité pour les responsables), et un système où les opposants du régime ont le droit de répondre aux occupants du pouvoir, et ne s'en privent pas. Les membres du gouvernement ont le droit de fustiger leurs critiques — à leurs risques et périls — comme ces derniers ont le droit de les traiter, par exemple, d'Ayatollahs de l'Amérique.

En fait, c'est ça, la différence : En URSS, il n'y en avait justement pas, de risques et de périls, pour les membres du pouvoir, de pester contre leurs adversaires, réels ou supposés. Et il va sans dire que les risques et les périls comprennent les élections.

Ou peut-être est-ce faire preuve d'exagération. En fait, ce dont il s'agit ici, c'est tout simplement de fustiger le Yankees à toute heure et à tout prix. Tous les moyens sont bons, toutes les comparaisons sont bonnes, si c'est pour montrer que nous, Européens dotés d'une sagesse sans égal, ne sommes pas dupes de la fourberie de ces membres incroyables d'une société pourrie.

Dans un autre article (voir la dépêche AFP tout en bas du lien), le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, déclare que "si le centre de détention américain de Guantanamo se trouvait en Russie, on parlerait de goulag".

Señor Rossi, c'est bientôt l'été. Voici deux livres que je suggère que vous emmeniez avec vous en vacances. Je vous souhaite une bonne lecture.

Sérieusement, tout du moins je vous félicite pour avoir porté un regard objectif sur le système qui a sévi en Russie pendant plusieurs décennies. Si vous évoquez ainsi les goulags, sans doute devez-vous être aussi prêt à critiquer le Kremlin que Washington? Ou… se pourrait-il que je me trompe?…

En effet. Le meilleur se trouve pour la fin. Nous avons vu que les Européens ne se gênent pas pour comparer les Américains aux Nazis ou aux staliniens, n'est-ce pas, et pour dire que l'armée américaine entière, que-dis-je, la nation entière, est éclaboussée par les sévices et humiliations qui ont eu lieu dans les geôles américaines. Que nous apprend le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe dans le paragraphe suivant?

De retour d'une visite à Moscou, où Vladimir Poutine lui a demandé "un rapport objectif venant de l'extérieur" sur la situation des droits de l'homme dans la Fédération de Russie, Alvaro Gil-Robles affirme par ailleurs qu'il ne faut "pas porter une accusation générale contre l'armée russe", même si elle "comporte des éléments qui ne sont pas intéressés par la fin de la violence en Tchétchénie".
Oh! Comme c'est gentil, comme c'est attentionné. C'est la même attitude bénigne que pour la Côte d'Ivoire ou l'Irak de Saddam Hussein. Européens! N'êtes-vous pas impressionnés par la candeur dont font preuve vos dirigeants? N'êtes-vous pas impressionnés par les principes éternels qu'est censé incarner, à travers eux, votre continent?

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