2004/12/17

Les mots d'un abord hermétique et un peu hautain pour brimer la cervelle des Français…

Eric Fottorino :
Vraiment non, les 60 millions d'administrés que nous sommes ne méritaient pas ça : des mots d'un abord hermétique et un peu hautain, du genre "irréfragable" ou "synallagmatique" ou encore "litispendance", des mots "qui font souffrir", comme l'Etat vient de s'en rendre compte en essayant de les bannir des formulaires officiels rédigés par une armée de fonctionnaires maniant la langue au burin.

Pour la troisième année consécutive, un organisme baptisé Cosla (Comité d'orientation pour la simplification du langage administratif) s'apprête à distribuer aux agents de l'Etat un lexique d'environ 4 000 termes administratifs pour qu'enfin les Français ne se sentent pas brimés ou infirmes de la cervelle quand ils tentent de comprendre le jargon officiel.

En prime, les étudiants de neuf instituts d'études politiques devront plancher sur une trentaine de formulaires truffés de tournures plus absconses et ampoulées les unes que les autres, dans lesquelles, rêvons un peu, on trouvera peut-être enfin des mots aussi simples que bonjour et au revoir, plutôt que des formules de politesse à la mords-moi le doigt...

… Les mots les plus justes, c'est Pierre Encrevé, le vice-président du Cosla, qui les a trouvés. On lui doit d'avoir remplacé le terme inculpation par "mise en examen". Maintenant, il voudrait transformer une "ordonnance de placement" en "décision de protection", estimant que "les mots peuvent être une double peine", tandis que "changer les mots contribue à changer les choses".

Eric Woerth, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, ne se l'est pas fait dire deux fois. Il affirme que certains vocables ont justement été "mis en examen" et qu'ils seront bientôt "condamnés", pour que l'Etat soit en mesure de s'adresser à tous en équité. Un mot en entraînant un autre, vivrons-nous demain le bonheur administratif ?

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