2010/10/31

« Tous les chefs d'Etat veulent peser sur la télévision »

Alors que paraît Cartes sur table, un livre d'entretiens avec Alain Duhamel, 70 ans, éditorialiste et analyste politique, et son frère, Patrice, 65 ans, ex-numéro deux de France Télévisions, les deux frères analysent le lien entre pouvoir et petit écran
Dans un entretien qui met en doute la neutrailté et l'objectivité des médias français, les frères Duhamel sont interviewés par Josyane Savigneau dans Le Monde.
ans Cartes sur table (entretiens avec Renaud Revel, Plon, 220 p., 19 euros), vous êtes très nuancés. Pourtant, depuis quarante ans, rien ne semble avoir vraiment changé du désir du pouvoir politique de peser sur la télévision publique.

Alain Duhamel : Aucun président de la République n'a renoncé à influencer la télévision. Les méthodes sont différentes, mais sur le fond les expériences sont comparables. Ma petite théorie personnelle est que, le système français étant ce qu'il est - institutionnel, politique, et la nature des médias français, en particulier les grands groupes, tous liés aux commandes de l'Etat -, quel que soit le président, cela ne peut pas bien se passer avec les journalistes de la télévision, notamment avec les journalistes politiques, et que c'est une très bonne chose. Si cela se passait bien, cela voudrait dire que le pouvoir a gagné.

Patrice Duhamel : Il y a eu des progrès considérables concernant l'indépendance et la liberté de l'information. D'ailleurs, tous les présidents qui ont essayé d'avoir des rédactions à leur main ont échoué aux élections suivantes.

A. D : Oui, tous veulent peser sur la politique à la télévision. Et, en effet, tous ont échoué électoralement, ce qui prouve qu'il n'y a pas vraiment de moyen d'asseoir une emprise. D'abord à cause de la concurrence au sein de l'audiovisuel. Ensuite, à cause de l'alternance et de la cohabitation. Plus personne ne pense qu'il y a un camp éternellement fait pour être au pouvoir.

Vous aviez, Alain Duhamel, de bons rapports avec François Mitterrand. Pourquoi ne s'est-il pas opposé à la chasse aux sorcières de 1981 à la télévision ?

A. D : Tous ont essayé de conforter leur pouvoir. A travers des charrettes et des changements de statuts. Cela a eu lieu en 1968, quand le pouvoir voulait finaliser sa victoire. Puis en 1974 avec Giscard. Et en 1981. La cohabitation a tout changé. Et la concurrence, dont je persiste à dire qu'elle a été une bénédiction pour la politique et une catastrophe pour la création culturelle à la télévision.

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