2005/02/24

Enivrés par les paroles des autocrates, les dirigeants de l'Europe de l'Ouest nous considéraient comme de drôles d'empêcheurs de tourner en rond

Les pays d'Europe centrale ont-ils sur la Russie un regard différent de celui des autres Occidentaux ?

demandent Jacques Rupnik et Martin Plichta à Václav Havel (tout ce qui est souligné l'est par moi).

Dans les pays qui ont connu la domination soviétique, il y a réellement une sensibilité à certains dangers qui ne sont pas toujours perceptibles par les personnes extérieures. C'est particulièrement vrai pour les pays Baltes, qui ont été si proches du pouvoir communiste soviétique. Ceux qui ont eu l'expérience des régimes totalitaires, des conséquences des "politiques d'apaisement" et du "fermer les yeux" devraient justement tirer la sonnette d'alarme.

Je ne pense pas qu'il existe un ressentiment profond envers les Russes chez les Polonais, les Tchèques ou tous ceux qui ont appartenu à cet empire. Mais il existe une bonne connaissance des méthodes et aussi une plus grande résistance à la manipulation.

Lorsque nous étions dissidents et que nous rencontrions des dirigeants occidentaux, nous avions l'impression qu'ils avaient été enivrés par les paroles de leurs hôtes communistes et nous considéraient comme de drôles d'empêcheurs de tourner en rond. Je crois que celui qui n'a pas fait l'expérience d'un régime totalitaire ne parvient pas à percer ce qui peut se cacher derrière un acte a priori anodin.

Le président Bush a essayé de restaurer à Bruxelles les relations entre l'Amérique et l'Europe. Combien est importante à vos yeux la relation transatlantique ?
Elle est très importante pour les deux parties. Il y a toujours eu et il y aura encore des tensions. En Europe, pour moi qui viens d'un pays ayant subi la "politique de l'apaisement", trop d'hommes politiques ou d'institutions européens sont conciliants avec le mal. Ils manquent d'énergie pour défendre les valeurs qu'ils professent et qui figurent justement dans le préambule du projet de la Constitution européenne. Récemment, j'ai eu à critiquer l'Union européenne pour son attitude envers Cuba. Les pays européens devraient prendre davantage conscience de leur coresponsabilité dans l'état du monde, et faire davantage pour leur sécurité et celle du monde. Ils ne devraient pas attendre que les gros problèmes soient toujours résolus par les Etats-Unis comme ces derniers ont contribué à mettre fin aux deux guerres mondiales que les pays européens avaient provoquées.