Que faire lorsque l’on est en panne d’idée pour abaisser la mortalité routière ?
se demande
Pierre Chasseray sur le site Contrepoints.
Que faire lorsque vous êtes emprisonné dans une politique de
répression à outrance visant à contrebalancer le coût de mesures
saugrenues par des rentrées financières ?
Poser des radars alors que le reste de l’Europe les retire, comme en
Angleterre, pourtant champion de la sécurité routière en Europe ? Ça,
c’est fait ! Ne pas appliquer la moindre tolérance et se limiter à la
marge de pondération de l’appareil visant à couvrir les erreurs de
mesure ? Fait aussi !
Générer 90% des recettes de la radarothérapie
avec la traque de tout petits excès de vitesse involontaires de
quelques km/h alors que les autres pays européens appliquent une
tolérance ? Trop facile ! Déjà fait !
Tenter de devenir le numéro 1 européen du radar avec 24,44 millions
de flashes par an, quitte à générer un dégoût des Français qui se
ressent avec des chiffres de dégradation de radars en perpétuelle
hausse, sans même l’intervention de quelques bonnets rouges ?
L’exploit de la Sécurité routière
La Sécurité routière avait déjà réussi cet exploit ! Ah, tiens,
pourquoi ne pas retirer les Forces de l’Ordre des routes et mettre entre
les mains de sociétés privées des radars cachés dans des plaques
d’immatriculation ? Nous n’en n’avions pas rêvé, les gouvernements
Hollande et Macron s’en chargent !
Une autre idée ? Un volontaire pour une dernière mesure stupide qui
finira de dégoûter les Français de la Sécurité routière telle qu’elle
est pensée aujourd’hui ? Qui a une proposition pour enfoncer le clou ?
Emmanuel ? Édouard ? Chantal ? Mais bien sûr…
Voyons… « La baisse de la limitation de vitesse », propose l’une. « On pourrait se cacher derrière des formules mathématiques », répond l’autre. Et dire aux Français que « plus on roule vite, plus le mur est dur ! ». Une dernière fouille dans ses notes à la recherche du Graal : «
ça y est, j’ai trouvé une étude des années 70/80 en Suède, qui dit que
la puissance de la force au carré de l’énergie cinétique de
bidulchouette génère des accidents… ça fait très Star Wars, on va
pouvoir convaincre les Français et leur faire avaler la pilule. »
La triste réalité
Bien sûr, je plaisante… Mais la réalité est si triste qu’il vaut mieux s’empresser d’en rire, de peur d’en pleurer.
Chaque année, près de 3 500 personnes perdent la vie sur la route, ou
plutôt sur des routes de plus en plus dégradées. Chaque année, la
majorité de ceux-là perdent la vie et entraînent des victimes par la
faute d’une alcoolémie facilement évitable et sans la moindre réaction
des Pouvoirs publics. Les Forces de l’Ordre sont dépourvues de moyens,
déshabillées par des radars automatiques et une privatisation de la
Sécurité routière qui leur ôte toute possibilité de prévention et de
poursuite des comportements dangereux. Face à cela, rien !
Même si la France est clairement opposée à cette baisse de la limitation de vitesse,
j’entends encore parfois quelques voix s’élever pour me demander
pourquoi nous nous opposons à « sauver des vies », récitant avec une
conviction pardonnable la propagande gouvernementale. Voici les
arguments en quelques points irréfutables, contestant les cours de
mathématiques rudimentaires de piliers de comptoirs de la buvette de
l’ENA.
Le consensus européen
Un consensus européen admet une limitation de vitesse à 90 km/h sur
le réseau secondaire. Seules quelques rares exceptions admettent une
limitation plus élevée, comme en Angleterre ou en Allemagne
(respectivement 97 et 100 km/h), ou inférieure, comme aux Pays-Bas ou au
Danemark (80 km/h), bien que, comme l’a révélé notre association 40 millions d’automobilistes
dans un reportage réalisé au Danemark, ce pays est en train
d’expérimenter avec succès la hausse de la limitation de vitesse à 90
km/h. Tout comme le Danemark avait récemment passé certaines de ses
autoroutes de 110 à 130 km/h avec succès, il passe aujourd’hui
progressivement à 90 km/h.
Le point commun de ces pays, que la limitation de vitesse soit
supérieure ou inférieure ? Ils connaissent tous des statistiques de
sécurité routière largement meilleure que la France. C’est bel et bien
la preuve par A+B que la limitation est loin d’être le gage d’une plus
grande sécurité sur la route. Cela devrait suffire à plier un débat sans
queue ni tête. Mais pourtant, cela ne persuade pas nos énarques de ne
pas détenir la vérité seuls contre le monde entier !
Une expérience peu concluante
Second argument, une expérimentation du 80 km/h
est conduite en France sous l’impulsion du gouvernement Hollande depuis
2015. De l’aveu même de la Sécurité routière, cette expérimentation a
été jugée non concluante en termes d’accidents.
Ils n’ont alors pas hésité à tordre l’étude pour lui faire dire par
ricochet ce qu’elle ne dit pas, quitte à utiliser un argument choc digne
du fil à couper le beurre : ils auraient mesuré une légère baisse des
vitesses pratiquées en abaissant la limitation de vitesse !
On croirait presque rêver devant la faiblesse de tels arguments, qui
ne vaudraient pas 1/20 dans une dissertation de lycéen ! Pour éviter le
redoublement, la Sécurité routière se lance dans un argumentaire
capillotracté génial de mauvaise foi ! La baisse de la vitesse moyenne
de quelques poussières de km/h devrait limiter la gravité de l’accident.
Rien contre les causes de l’accident
Bien qu’il semble assez rudimentaire de rappeler qu’un choc frontal à
90, 80, voire même à 70, conduit au même drame, il est assez affligeant
de constater que la France admet par cela être dans l’incapacité de
lutter contre la cause même de l’accident. Mais il est absolument
surréaliste de constater que sans la moindre étude, la France accepte de
prendre une mesure à contre-courant des vérités de sécurité routière
européenne et mondiale !
Face à ce vide abyssal d’arguments des « pro charrette à bœuf », de plus en plus de voix s’élèvent aux côtés de l’association 40 millions d’automobilistes
: le Sénat vient de marquer son opposition franche et massive à la
méthode employée par le gouvernement ; l’Assemblée nationale, souvent
« en route » en circonscription, est majoritairement prisonnière d’un
statut « en marche », mais ne cache pas son opposition à cette mesure,
en petits comités ; des ministres ont ouvertement marqué leur opposition
comme Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires.
Gérard Collomb lui-même, ministre de l’Intérieur, serait défavorable à
cette mesure impopulaire et davantage ouvert à une modulation
intelligente de la limitation en fonction de la dangerosité ; nos amis
de la FFMC – Fédération des Motards en Colère – marquent sur le terrain
l’écrasante opposition à la mesure au moyen de manifestations organisées
sur tout le territoire, main dans la main avec l’association 40 millions d’automobilistes.
Ce n’est que tous unis et solidaires, ensemble dans le même bateau,
que nous pourrons faire entendre raison à un Premier ministre influencé
par des vérités qui ne sont universelles que dans les antichambres de
quelques bureaux de bobos privilégiés, parisianistes de surcroît.
À une politique de Sécurité routière ratée, répondons par une réalité
sans politique. Efficace. Avec les usagers de la route et non contre
eux. Faisons en sorte de faire entendre raison à ceux qui préfèrent
limiter la vitesse d’impact que lutter contre la cause des accidents.
Et n’oublions pas que la Sécurité routière devrait être populaire. Si ce n’est pas le cas, c’est un échec !