Même les grandes plumes sont parfois en mal d'inspirationécrit Corine Lesnes dans Le Monde. Avant de décrire avec le plus grand des joies, pendant quatre colonnes (sur cinq), le voyage de John Steinbeck avec son chien — "un caniche d'un âge respectable, francophone de naissance ("à Bercy"), et toujours d'un maintien parfait" — à travers les USA, une aventure "plein de ces personnages rocailleux qui font l'Amérique éternelle — Tea Party avant l'heure, pourrait-on dire." Ce n'est que dans les trois ou quatre derniers paragraphes que l'on apprend que la raison pour laquelle le récit de ce voyage (de 1962) est à l'heure aujourd'hui :
Cinquante ans plus tard, le journaliste Bill Steigerwald a refait les étapes du voyage. Sans chien, mais avec la prétention journalistique de mesurer le changement. Il ne s'attendait pas à ce qu'il a trouvé : affabulations, exagérations, approximations... Recoupements faits, il apparaît que Steinbeck a enjolivé quand il n'a pas tout simplement bidonné comme un vulgaire journaliste en mal de scoops.Dans le magazine Reason d'avril, Steigerwald a publié un récit accablant. En 75 nuits, l'écrivain en a passé tout au plus une quinzaine seul dans sa roulotte. La plupart du temps, il a dormi dans des motels, parfois luxueux. Elaine, sa femme, a passé 45 jours avec lui (à San Francisco, ils ont même mis Charley au chenil !). Certains des personnages hauts en couleur n'étaient pas là où il dit les avoir croisés. [Pis, Corine Lesnes: Plusieurs personnages hauts en couleur semblent avoir été inventés de toutes pieces.]
La découverte a suscité quelque émotion dans les milieux universitaires spécialisés, pris en défaut d'esprit critique. … D'autres ont dit : peu importe. L'écrivain a tous les droits.
Trois-quatre paragraphes qui annullent toutes les raisons pour avoir pris quatre colonnes pour (re-)raconter les (non-)périples de John Steinbeck et de Charley.
De toute apparence, quand un conservateur — fût-il artiste, politicien (George W Bush), ou autre — est pris en défaut (à tort ou à raison), et que ses prévisions, raisonnables, s'avèrent être fausses, il n'est rien de moins qu'un fieffé menteur qui est coupable de tous les maux et qui doit être fustigé, sans relâche, avec toutes les armes possibles. Quand un gauchiste est pris en défaut — et que ses récits de ce qu'il (n')a (pas) fait s'avèrent être un véritable mensonge (aucun autre terme ne fournit une meilleure description) — c'est (toujours) un grand homme (une grande plume) "en mal d'inspiration" qui fait partie de ces êtres qui ont "tous les droits."