La France ! La France, surveillée ! La France, réprimée ! La France, persécutée ! La France, matraquée ! Mais… la France, révoltée !
(Excusez-moi, M. le Président de la République, je me suis emporté…)
Veuillez me permettre, M. le Président de la République, d'ajouter mon humble voix à la cacophonie d'experts professionnels réagissant à vos propos de lundi soir.
En effet, avec votre permission, je vais oser émettre l'opinion que vous ne semblez pas (encore?) avoir compris grand chose à la manifestation des gilets jaunes.
Si vous le voulez bien, je vais commencer par poser quelques questions :
Quelle pourrait être la signification du fait que les émeutes ont (ou semblent avoir) commencé quand votre gouvernement a annoncé la hausse des taxes sur le carburant ? Quelle pourrait être la signification du fait que la révolte a réellement commencé (avec la destruction systématique des radars à partir de l'été) quand votre Premier Ministre, M. Édouard Philippe, a fait passer la limite de lenteur (veuillez m'excuser, de vitesse), déjà assez agaçante précédemment, à 80 km/h ? Quelle pourrait être la signification du fait qu'on retrouve majoritairement les gilets jaunes sur la chaussée, sur les routes, sur les autoroutes, sur les rond-points et devant les péages ?
Oui, M. le Président de la République, vous avez raison : la réponse semble être, si je ne m'abuse, on ne peut plus claire : la révolte porte, avant tout, sur les moyens de transports des Français et donc sur les automobilistes, les camionneurs et les motocyclistes.
Dans cette perspective, M. le Président de la République, pourquoi diable (si vous me permettez l'expression) votre discours de lundi concerne-t'il la hausse du Smic, l'annulation de la hausse d'une taxe et la défiscalisation des heures supplémentaires, alors que, à l'inverse, il n'y a quasiment aucune mesure qui concerne, directement ou indirectement, la répression de ceux qui empruntent les routes de ce beau pays qu'est la France ?
Au contraire, il se peut que, en effet, vous ayez très bien compris le problème, M. le Président de la République, et que vous ayez décidé qu'il faille à tout prix sauvegarder la fiscalité gargantuesque. Comme le dit Jean Nouailhac dans Le Point,
En 2017, les automobilistes auront supporté quelque 67 milliards de taxes et amendes diverses, presque autant que l'impôt sur le revenu.
… Le président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP), Francis Duseux, n'y va pas par quatre chemins : « Le carburant est le produit le plus taxé de France. » Mais encore ? Un autre président, Didier Bollecker, celui de l'Automobile Club Association (ACA), la plus importante organisation privée de défense des automobilistes avec 800 000 adhérents, confirme que « les automobilistes français dépensent plus de taxes que de carburant », plus précisément un total de 36 milliards d'euros en 2017.
À cette somme, pour être complet, il faut ajouter 9 milliards de péage, 7 milliards de TVA sur les véhicules neufs, 6 milliards de TVA sur l'entretien, 4 milliards de taxes sur l'assurance, 2 milliards sur les cartes grises, 2 milliards d'amendes forfaitaires (radars, etc.) et un dernier milliard d'autres petites taxes, soit au total un déluge de 67 milliards d'euros de taxes pour les seuls automobilistes, un chiffre incroyable mais vrai, à comparer aux 73 milliards d'euros d'impôt sur le revenu de cette même année 2017.
… Pour mieux comprendre le ras-le-bol fiscal des automobilistes, il faut entrer un peu dans le détail de ces 36 milliards d'euros de taxes sur les carburants, l'essentiel provenant de la TICPE, la « taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques », laquelle est elle-même taxée d'une TVA à 20 % ! La surtaxe de la taxe. Le comble du vice fiscal !Comme l'ajoute 40 millions d'automobilistes, dans un autre courrier adressé à votre intention,
les automobilistes ont eu le sentiment d’être méprisés par une élite politique coupée du monde, en rupture de contact avec eux.Si c'est le cas qu'il faut à tout prix sauvegarder la fiscalité gargantuesque, M. le Président de la République, je dirais, avec une bonne dose de certitude, que votre gouvernement n'en a pas fini — c'est le moins qu'on puisse dire — d'être confronté au problème des gilets jaunes et de leur révolte.
L’association « 40 millions d’automobilistes » n’a pourtant eu de cesse de vous alerter sur ce dossier inspiré par une pseudo élite de défenseurs auto-proclamés d’une sécurité routière dépassée, déconnectée de la réalité des Français et totalement minoritaire. Ces bienpensants vous ont conduit droit dans le mur à 80km/h.
… Le mouvement auquel vous devez faire face aujourd’hui est incontestablement né de l’automobiliste, né de la colère d’un matraquage de mesures de sécurité routière ou de sanctions financières sans cesse augmentées, d’augmentation de la fiscalité des déplacements.
Une nouvelle branche des Fake News voudrait que les révolutionnaires ne savent pas ce qu'ils veulent ou qu'ils ne savent en tout cas pas s'entendre entre eux (voir par exemple l'article d'Olivier Costa — merci de ne pas le partager avec les membres du public ; cela pourrait provoquer des réactions de colère incontrôlables).
Il peut, certes, y avoir des différences, M. le Président de la République, à s'entendre sur ce que l'on souhaite que le gouvernement fasse — moi-même, je n'ai aucune envie d'augmenter le SMIC, de hausser les impôts sur les riches ou de faire revenir l'ISF, par exemple — mais ce sur quoi tous les gilets jaunes sont d'accord, c'est au sujet de ce que le gouvernement ne fasse pas — ou, plutôt, au sujet de ce que le gouvernement doit cesser de faire.
En d'autres mots :
Nous ne voulons pas de cadeaux (de pots-de-vin?) dans le futur (même proche) ; ce que nous voulons, ce dont nous avons besoin, c'est un soulagement — un soulagement immédiat.
Ce ne sont pas tant des initiatives que veulent les gilets jaunes. Ce sont des révocations.
Par exemple, nous ne voulons plus des 80 km/h.
Nous ne voulons pas d'une société surveillée en permanence.
Nous ne voulons plus de cette exaspération continuelle quand nous empruntons les routes de la République.
Nous ne voulons plus de ces radars de plus en plus omniprésents et de plus en plus sournois…
PAS DES INITIATIVES, MAIS DES RÉVOCATIONS
Dans cette perspective, M. le Président de la République, je me permets de prendre l'initiative de faire une liste des demandes basiques auxquelles s'accordent la vaste majorité des gilets jaunes et, par ailleurs, de la population française.
Vu que l'Allemagne a une mortalité routière moindre qu'en France, vu aussi que tout citoyen qui se respecte souhaite que la France puisse concourir avec les Allemands, vu aussi que les élites louent sans cesse l'Union Européenne, je suggère que l'on prenne quelques exemples chez nos voisins pour les intégrer dans le code de la route de la République française.
Ce qui souhaitent les gilets jaunes, c'est :
• La révocation de la limite de lenteur (pardon, de vitesse) de 80 km/h et le retour à la normale — voire (tenez-vous bien!) une hausse à la même limitation que nos voisins allemands (100 km/h sur les routes secondaires) ; quant à M. Philippe, certes on peut regretter que le premier ministre sera sans doute dans l'obligation de donner sa démission, mais est-ce que le destin d'un seul citoyen (fut-il premier ministre) vaut celle, potentielle, de 40 millions de Français ?
• La révocation des mesures qui sanctionnent les propriétaires de voitures anciennes
• La révocation des pénalités excessives sur le permis à points, pour des infractions sans conséquence à des règles purement adminstratives, infractions qui n'ont nullement, à aucun moment, mis d'autres gens ou leurs possessions en danger
• La révocation de la liberté accordée aux maires de fixer leurs propres montants des contraventions
• La révocation du projet des péages à l'entrée des villes
• Étudier, comme dans le reste de l'Europe, l'idée d'une révocation de l'ensemble des péages sur la totalité du réseau autoroutier français (certes, en Espagne, on trouve quelques péages, mais uniquement, semble-t'il, dans deux régions — étrangement, il s'agit de la Catalogne et du Pays Basque, les deux régions les plus secouées par des des velléités séparatistes)
• La révocation de nombreux radars sournois, notamment ceux positionnés à des endroits non accidentogènes ainsi que la totalité des radars mobiles, que ces véhicules soient conduits par des gendarmes en civil (quelle humiliation pour un homme ayant rêvé de porter l'uniforme pour défendre ses concitoyens!) ou par des employés de sociétés privées
En fait, M. le Président de la République, ce que voudraient les "déplorables", ce n'est pas nécessairement la révocation de l'État-nounou, du moins une dilution de son emprise.
Dans cette perspective, il y a autre chose. Si les propos qui vont suivre risquent de vous choquer, Herr Präsident der Französischen Republik, ou de scandaliser certains membres de votre équipe, sachez que leur contenu est basé sur les règles en Allemagne seit langem (depuis belle lurette, en allemand), c'est-à-dire le pays voisin dont la mortalité routière par habitant est plus basse qu'en France ainsi que le moteur économique de l'Europe que tous les habitants de l'Hexagone rêvent de rivaliser.
En outre, par conséquent, nous voulons :
• un permis à points dont la perte du premier point ne se fait qu'à partir du dépassement de la limite de lenteur (pardon, de vitesse) de 20 km/h au-dessus de la limite autorisée (certes, l'amende pécuniaire intervient tout de suite, au premier km au-dessus du seuil de tolérance — ce qui, rassurez-vous, permettra à l'État de continuer à financer bon nombre de mesures vitales telles que les nombreux carrefours au fin fond de la campagne française qui — scandale! — n'ont pas encore été transformés en rond-points)
• Une hausse de la limitation à 150 km/h-160 km/h sur l'ensemble du réseau autoroutier français couplée avec — êtes-vous bien assis dans votre fauteuil, M. le Président de la République? — une étude pendant une année de vitesse illimitée sur l'autoroute Paris-Lyon-Marseille. Il s'en va de soi que, au cas où cela pourrait vous faire plaisir, nous sommes disposés à accepter la vitesse illimitée immédiate sur la vaste majorité des autoroutes du pays.
Je vous prie de croire, M. le Président de la République, en l'expression de mes sentiments distingués et je vous assure de ma disponibilité pour tout complément d'information nécessaire.
Vive la République.
Vive la France.