S'il fallait ne retenir qu'un seul moment, ce serait celui-ci
écrit Thomas Wieder dans Le Monde (vidéo) :
Il est 14 h 46 dans la petite église d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), ce mercredi 4 septembre, quand François Hollande et Joachim Gauck s'avancent dans la nef désormais sans toit où les SS de la division « Das Reich » enfermèrent puis exterminèrent près de 400 femmes et enfants dans l'après-midi du 10 juin 1944. …
Emotion contenue
De ces discours, prononcés sur l'esplanade qui sépare les ruines du village martyr du bourg reconstruit après la guerre, que retenir ? Chez Joachim Gauck, l'ancien pasteur d'Allemagne de l'Est, une longue réflexion sur la notion de « culpabilité », nourrie des écrits du psychiatre et philosophe Karl Jaspers. Des mots forts, aussi, adressés aux familles des 642 victimes : « Je partage votre amertume par rapport au fait que des assassins n'ont pas eu à rendre de comptes ; votre amertume est la mienne, je l'emporte avec moi en Allemagne et je ne resterai pas muet. »
Chez François Hollande, la tonalité fut beaucoup plus politique, avec notamment deux allusions. L'une, explicite, aux « malgré- nous »,
ces Français d'Alsace et de Moselle qui combattirent sous l'uniforme allemand et dont Nicolas Sarkozy affirma, en 2010, qu'ils étaient « les victimes d'un véritable crime de guerre ». A Oradour, où des « malgré-nous » ont participé à la tuerie de 1944, la phrase avait choqué. M. Hollande s'est voulu plus rond que son prédécesseur. « Il a fallu des décennies pour que soit reconnu le drame des incorporés de force et que le Limousin et l'Alsace fassent la paix des mémoires. »
L'autre allusion, implicite, concerna la Syrie. Le mot ne fut pas prononcé, mais tout le monde comprit la référence lorsque François Hollande lança à Joachim Gauck : « Votre présence, monsieur le Président, est bien plus qu'un symbole, c'est une promesse de défendre les droits de l'Homme chaque fois qu'ils sont violés près de chez nous ou loin d'ici. »
… Après Adenauer et de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises, le 14 septembre 1958, après Kohl et Mitterrand à Verdun, le 22 septembre 1984, il faudra désormais ajouter cette image à l'album de la réconciliation franco-allemande : François Hollande et Joachim Gauck, à Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013.
Quant à Gérard Courtois, il écrit que
"Seule la vérité fonde la réconciliation", [aurait pu déclarer François Hollande], comme il l'a fait, le 4 septembre, en accueillant le président allemand, Joachim Gauck, à Oradour-sur-Glane, sur le lieu même du "crime contre l'humanité" commis le 10 juin 1944 par la division SS Das Reich.
Après d'autres, le geste des deux présidents réunis dans la même émotion ne manquait pas d'allure pour exprimer l'amitié franco-allemande, à l'orée de la double commémoration, en 2014, du centenaire de la première guerre mondiale et des soixante-dix ans de la Libération.
Thomas Wieder :
Longtemps, les représentants de l'Etat ne seront pas les bienvenus à Oradour. Le 21 mai 1962, le général de Gaulle s'y arrête. L'accueil est "sympathique et bruyant", note l'envoyé spécial du Monde. Mais le chef de l'Etat laisse les habitants sur leur faim. Ceux-ci attendent un engagement fort en faveur de l'extradition du général Lammerding, l'ancien commandant de la division Das Reich, condamné à mort par contumace à Bordeaux en 1953, et qui mène alors une vie tranquille d'ingénieur à Düsseldorf. "L'affaire se poursuit", se contente de répondre de Gaulle, qui invoque les "barrières internationales" empêchant l'extradition. Lammerding mourra en 1971, sans avoir été inquiété.