Un soir de 1966, alors premier ministre, Georges Pompidou piqua une brusque colère devant la pile de textes réglementaires qu'un malheureux collaborateur venait présenter à sa signatureraconte Gérard Courtois dans Le Monde.
"Arrêtez d'emmerder les Français : il y a trop de lois, trop de règlements dans ce pays. On en crève ! Laissez-les vivre un peu, et vous verrez que tout ira mieux !", lança-t-il de sa voix rocailleuse.L'histoire ne dit pas s'il signa, mais elle retiendra que, depuis cette date, le nombre de textes régissant la vie du pays a doublé : 8 500 lois, quelque 120 000 décrets et arrêtés, sans compter d'innombrables règlements.
Fort de cet illustre précédent, Jacques Myard, éruptif député UMP des Yvelines, n'y est donc pas allé par quatre chemins, jeudi 16 décembre. Ce jour-là, l'Assemblée nationale examinait la Loppsi 2 — traduisez deuxième loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — et en particulier un article introduit par les sénateurs, en septembre, pour assouplir le système du permis de conduire à points.
"Il existe un profond malaise dans la population sur la question du permis à points", attaqua donc M. Myard. Emporté par son élan, il n'hésita pas à dénoncer un "système complètement imbécile", qui "remet en cause la liberté publique d'aller et venir dans un véhicule", bref une "sorte de guillotine" tombant sur la nuque du pauvre conducteur coupable d'infractions mineures.
L'heure était donc grave. D'autant que M. Myard n'était pas seul, sur les bancs de la majorité, à défendre ainsi le bon peuple automobile, pourchassé par les radars, harcelé par la maréchaussée et, éventuellement, privé de permis de conduire pour de vénielles étourderies. Claude Bodin, Philippe Goujon, Bernard Reynès fustigèrent "ce sentiment de chasse aux automobilistes qui s'est insinué dans notre pays", invitèrent le gouvernement à faire preuve de "tolérance" et à cesser de "traiter les Français comme des enfants".
… Le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, et le rapporteur du texte, Eric Ciotti, durent composer et céder, au moins partiellement, à la fronde de la vaste confrérie des automobilistes en colère.