… depuis des années, une question occupe mes nuits sans Lune : pourquoi Geronimo ?se demande Laurent Carpentier dans Le Monde.
Dans Le Tombeur de ces dames, Jerry Lewis est l'homme à tout faire d'une immense maison pour jeunes filles. Une émission de télé doit y être tournée. Le technicien demande à Jerry de tester un micro à l'étage pendant qu'il écoute. Le jeune ahuri, après moult hésitations, va crier de toutes ses forces dans le micro : "GE-RO-NI-MO". L'image suivante, le corps du technicien, démantibulé, lunettes cassées, émerge du canapé. Fou rire garanti. Et Geronimo ? "C'est venu comme ça..." Misère, c'est tout ? Les légendes ne sont pas faites pour être éclaircies.
Pour comprendre le cri de Jerry Lewis dans Le Tombeur de ces dames (Je ne saurai jamais pourquoi Jerry Lewis cria "Geronimo" ! par Laurent Carpentier, Le Monde du 25 mai 2013), il faut remonter 20 ans en arrière : Durant la Seconde Guerre Mondiale, les paras américains (ceux-là même qui sautèrent sur Saint-Mère-Église dans la nuit du 5 au 6 juin 1944) adoptèrent plusieurs aspects de la vie des Indiens "sauvages".
D'abord, les hommes de la 101st Airborne se rasèrent la tête, sauf un strip cental du front au cou de façon à imiter les guerriers iroquois. Ensuite, quand ils partaient au combat, ils se couvraient le visage de peintures de guerre, et enfin, en se jetant dans le vide à tour de rôle, chacun des paras hurlait "Geronimo" de toutes ses forces.
Dans les années 1940 vivaient encore beaucoup de gens qui avaient participé à la conquête de l'Ouest, et plus d'un de ces parachutistes a dû entendre, dans son enfance, un vétéran des guerres indiennes, un Indian fighter, lui parler — sans doute avec respect — de Geronimo et de sa bande d'Apaches réfractaires.
Après la guerre, le cri devînt à la mode parmi les gamins qui jouaient à la guerre ou aux cowboys et aux indiens. Jerry Lewis dut son succès aux rôles de garçon qui n'a jamais grandi, et c'est en imitant pour la enième fois un môme américain typique de l'époque qu'il choisit l'occasion la plus incongrue pour hurler, lui aussi, "Geronimo" à pleins poumons — même si, 50 ans plus tard, le comédien ne se souvînt plus des origines de ce cri.
Par ailleurs, on peut se demander combien de punks et d'autres anticonformistes des temps modernes savent que leur iroquois — en américain, un mohawk — a une origine… militaire?!