de La Tyrannie de la pénitence (Grasset, 2002), qui fustigeait le regard porté par les Occidentaux sur leur histoire, et les appelait à troquer leur culpabilité contre la joie d’en avoir surmonté les pires épisodes pour devenir des sociétés démocratiques.Pascal Bruckner, c'est celui qui avait dit (à l’époque de la guerre en Yougoslavie) qu'il existe en Europe un groupe de critiques primaires, pour qui le pire crime d’un tyran comme Milosevic … ne pourra jamais égaler le crime fondamental de l’Amérique — le simple fait d’exister.
… Pascal Bruckner reconnaît que le refus de [son héritage familial] a beaucoup à voir avec le fait qu’il ait choisi autrefois la gauche, et se revendique définitivement du côté du camp « progressiste », « malgré l’épaisse bêtise et la bonne conscience qui y règnent ». Malgré, aussi, lui rétorqueraient sans doute certains membres de cette famille politique, des prises de position pas tout à fait raccord, de son soutien à l’intervention américaine en Irak, en 2003 (« Je ne regrette rien, le Kurdistan est libre, et voyez comme on reproche aux Etats-Unis de ne pas bouger sur la Syrie aujourd’hui. ») à sa vision de l’écologie comme obstacle à l’hédonisme (Le Fanatisme de l’Apocalypse, Grasset, 2011), en passant par son vote pour Nicolas Sarkozy en 2007 (« Je pensais qu’il incarnait une droite moderniste et libérale ; c’était juste un caractériel timoré. »). S’il admet la dimension « erratique » de certains engagements, il ne se repent d’aucun, se dit toujours « très fier » de certains, comme celui pour la Bosnie. Il dit aussi : « Il vaut mieux rester dans la gauche pour la pilonner de l’intérieur plutôt que d’être à l’extérieur, déconsidéré. » Et puis, écho involontaire à son parcours : « Je suis trop vieux pour changer de famille. »
Extrait de mon livre, La Bannière Étalée :
… les supporters de la guerre pour renverser Saddam, voire les supporters de Bush lui-même, de l’Amérique, ou du capitalisme — journalistes ou simples citoyens — ne se sentent absolument pas libres de s’exprimer. L’un des rares intellectuels (avec André Glucksmann, Ivan Rioufol, Yves Roucaute, Maurice G Dantec, et Romain Goupil, entre autres) à avoir ouvertement soutenu la guerre, Pascal Bruckner, racontera plus tard ce que lui coûta sa franchise dans le pays cartésien, dans le pays vantant l'ouverture, le dialogue, le respect, et la tolérance. «J’ai connu les insultes dans la rue, les menaces téléphoniques. Mes copains beurs qui me disaient : “Tu es tombé sur la tête” … Ceux de la revue Esprit m’ont lâché … Je me suis senti très seul.»