2025/07/16

Ne serait-il pas temps que les Français mettent fin à leur anti-américanisme obsessionnel couplé à leurs fantasmes sur la Russie éternelle ?


Il n'y a, en général, que les conceptions simples
qui s'emparent de l'esprit du peuple. Une idée fausse,
mais claire et précise, aura toujours plus de puissance
dans le monde qu'une idée vraie mais complexe.

— Alexis de Tocqueville

En défendant la Grèce aux Thermopyles en 480 av. JC, 300 Spartes ont vaillamment résisté à l'armée perse de Xerxès I pendant trois jours, avant de sombrer en martyrs.

Pourtant, ce n'est pas les dizaines de milliers de soldats perses de Xerxès qu'on traite de braves, de héros (même en Iran) ; ce sont les Spartiates du roi Léonidas qui, eux, n'ont perdu "que" quelques centaines de combattants.

Ce qui nous ramène en France aux XXe et XXIe siècles, où on nous avance sans cesse que parce que l'URSS aurait perdu 50 fois plus de morts que l'Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale, nous devons, et l'Europe doit, plus de gratitude aux Russes qu'aux Américains (qui, il faut le dire, n'étaient point mutuellement adversaires — a priori ; voir ci-bas).

De fait, je n'ai jamais participé à, ou même entendu, un discours en France sur la Seconde Guerre Mondiale sans que quelqu'un dise, souvent avec un sourire entendu : "Mais les Ricains l'ont fait pour leurs propres intérêts (économiques)" 

Il paraît que ce ne serait pas de l'anti-américanisme pur, pur et dur.  En êtes vous sûr ?

Réflechissez-y : Comment quelqu'un pourrait dire — à tort ou à raison — que "les Belges ou les Français  ou les Danois ou les Philippins ont fait la guerre pour leurs propres intérêts?"  C'est du non-sens.  Absolu.  Il n'y en a que pour les Amerloques, comme jadis Monsieur Sylvestre était le seul Guignol qui n'était pas la caricature d'un seul individu particulier (français ou étranger) mais le stéréotype de tout un peuple.

Par ailleurs, plus de 16 millions Américains ont servi sous les drapeaux dans les années 1940.  Pense-t'on qu'il y avait en Amérique des dizaines de millions de parents qui auraient dit : "Oui, notre fils adoré : quitte notre Home Sweet Home, prends un fusil, enfile l'uniforme, traverse les océans, vas-t'en en guerre, nous voulons risquer que tu perde ta vie pour que Coca-Cola puisse vendre plus de bouteilles aux Frenchies" ?!

Ah oui, si les capitalistes yankees sont tellement macchiavéliques — diaboliques, pourrait-on dire — ou abrutis, commme le martèle la propagande communiste, c'est que ladite propagande a effectivement fait fondre les cerveaux des Français.

Suite à l'article d'Évelyne Joslain sur le 80e anniversaire de la victoire en Europe (VE Day, Les 4 Vérités nº 1495), un lecteur/confrère a "bondi au plafond" par ce qu'il appelle une "réécriture de l'histoire" : "les troupes anglo-américaines" insiste-t'il, "n’étaient pas des héros mais des amateurs qui se battaient pour les intérêts économiques de leur pays et rien d’autre." 

Comme de nombreux Français — qui ne semblent, bizarrement, jamais parler des intérêts des Soviétiques — Jean-Marie Pichard ne semble pas s'en rendre compte, mais de fait, si quelqu'un est dupe de la réécriture de l'histoire, c'est bien lui : avec les mensonges gauchistes, tout est tourné sur la tête.  Doublement.  Les Américains et non les communistes sont accusés de faire la guerre pour leurs "propres intérêts."  Tandis que les gens — que dis-je, les peuples — qui sont loués pour leur courage inné et considérés l'équivalent des Spartiates sus-nommés sont les soviétiques et non les Yankees.

On souffre donc sous une double déception : d'un côté, on attribue les sombres desseins (très réels) de Staline aux Yankees ; De l'autre, on attribue aux fantassins cocos tant des vertus martiales que des vertus quasi-bibliques dans un fantasme où les Russes sont comparés aux Spartiates ci-haut nommés.

À lire aussi : Ce que personne ne vous dit sur l'Armée Rouge pendant la Seconde Guerre Mondiale 

Les statistiques de la mort au combat seraient symboliques d'une espèce de bravoure intérieure, qui de plus est nationale ou communale et reflète la nation entière, faisant preuve d'une valeur, d'une vaillance sans équivalent et qui manqueraient (cruellement?) aux cœurs des Yankees fourbes.  

Beaucoup de lecteurs des 4 Vérités et d'auditeurs de Radio Courtoisie se révendiquent de la religion chrétienne, mais ne faut-il pas se demander si nous versons vers une superstition quasi-païenne, avec des louanges quasi-mythiques à la Russie profonde et immortelle et des panégyriques à l'âme de la Russie éternelle.  Nous faisons face, selon Evelyne Joslain, à "des inversions parfaites de la réalité factuelle".

D'ailleurs, l'avez-vous remarqué ? Quoi qu'ils fassent (ou qu'ils ne fassent pas), les Américains ne peuvent pas gagner.  "Damned if you do, damned if you don't." Quand ils font la guerre, c'est pour des raisons crapuleuses.  Et quand ils essaient de rester en-dehors de la guerre, ils sont condamnés pour ne pas être entré dans le conflit assez tôt. 

"Les chiffres parlent d’eux-mêmes" prétend Jean-Marie Pichard : "les pertes totales US de la Deuxième Guerre mondiale sont de l’ordre du cinquantième des pertes russes (militaires et civils additionnés)." M. Pichard ne sait-il pas pourquoi les statistiques sont à comparer avec un bikini ? Parce que les deux dévoilent beaucoup, mais elles cachent l'essentiel.

La vérité n'est-elle pas que l'hécatombe soviétique dans la Grande Guerre Patriotique est entièrement due à l'inclinaison des dictateurs de ne pas avoir le moindre estime pour la vie de leurs sujets et de considérer ces troufions, souvent mal formés et "envoyés au casse-pipe", comme de la chair à canon (comme, 2500 ans plus tôt, les Perses de Xerxès).  Dans cette perspective, l'Allemagne et le Japon ont eux aussi perdu (beaucoup) plus de vies, tant parmi les civils que parmi les militaires, que les USA (ou le Royaume-Uni) — faut-il aussi multiplier les louanges sur la culture des SS et des Japonais fanatiques par-dessus celle, républicaine et démocrate, des GIs (et des Tommies) ?!

Comme le dit Antony Beevor à propos de l'hécatombe soviétique, n'est-il pas plutôt dû au "mépris stupéfiant quant à la vie humaine de la part de Staline" ? Dans The Soviet Role in World War II, l'historien écrit que l' 

On ne peut jamais s’attendre à ce que l’armée d’une démocratie libérale combatte aussi impitoyablement que celle d’une dictature.

Par ailleurs, Jean-Marie Pichard sait-il que parmi les millions de soldats soviétiques morts, selon lui, à cause de "l’acharnement de l’Armée Rouge à défendre le sol natal", des centaines de milliers ont perdu la vie abattus et mitraillés par… ladite Armée Rouge ? Oui, l'ordre nº 227 du Tyran Rouge du Kremlin interdisait aux soldats de battre en retraite, ordonnant à la troupe à l'arrière d'abattre froidement leurs camarades s'ils contraignaient à cet ordre et revenaient, perdants, vers la "sécurité" des lignes soviétiques.          

On parle aussi de centaines de milliers de soldats soviétiques qui ont été exécutés par ordre de Moscou (pour ne pas parler des Polonais de Katyn).

Soyons réalistes : Les seuls qui ont fait la guerre pour leurs propres intérêts (économiques ou autres) ce sont les dictatures : l'Allemagne nazie, le Japon impérial et — oui — la Russie communiste.
Le seul qui après 1945 sort gagnant est le Vojd, à tel point qu'un historien (Sean McMeekin) a appellé son livre sur le conflit Stalin's War (étonnamment, non traduit en français).

• Quant à l'avance éclair des Rouges, à quoi faut-il vraiment l'attribuer ? au désir du citoyen moyen de Murmansk, d'Astana, de Vladivostok et de Novosibirsk de libérer … la Roumanie, la Hollande ou la France (?!).  Encore une fois, faut-il attribuer "le rouleau compresseur russe [qui] avance inexorablement à l’est" à la bravoure innée des valeureux qui symbolisent l'âme russe éternelle ?

Ou n'est-ce pas plutôt aux jeeps et aux camions de l'Oncle Sam — 400 000 en tout  ? C'est l'avis de l'historien Antony Beevor qui écrit dans La Deuxième Guerre Mondiale : "Sans les camions américains fournis dans le cadre du Prêt-bail (Lend-lease), l'Armée rouge n'aurait jamais pu atteindre Berlin avant les Américains."

Selon , patron de l'IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales), sans l’Amérique, l’URSS n’aurait jamais pu résister à l’envahisseur allemand :

Au total, l’aide américaine a représenté environ 180 milliards de dollars (d’aujourd’hui) : 400 000 jeeps et camions, 14 000 avions, 8 000 tracteurs, 13 000 chars [etc, etc, etc…]

Dans leurs mémoires, l'ambassadeur américain à Moscou, Averell Harriman, et Nikita Khrouchtchev ont tous les deux cité Staline en personne : "L'Amérique est un pays de machines ; sans ces machines, nous perdrions cette guerre."  

Voici ce qu'écrit Raphaëlle Branche dans son compte-rendu pour le quotidien Le Monde de Les Guerriers du froid (Vie et mort des soldats de l'armée rouge, 1939-1945 ; Ivan's War: The Red Army at War 1939-45 by Catherine Merridale)) de Catherine Merridale :
Une fois la reconquête du territoire national achevée s'ouvre un autre chapitre : en Roumanie d'abord, en Hongrie, puis en Prusse-Occidentale, les soldats soviétiques se livrent à « une orgie de crimes de guerre » au premier rang desquels les viols massifs.

Par ailleurs, après l'invasion de Normandie et après nombre de victoires depuis un an environ — Rome tombe aux mains des alliés deux jours plus tôt,  le 4 juin 1944 — voilà que les alliés subissent des défaites importantes ou en tout cas des revers quasi-catastrophiques, notamment pendant l'Opération Market Garden pour s'emparer des ponts en Hollande ou pendant l'offensive-surprise de von Rundstedt qui inaugurera la Bataille des Ardennes (la bataille la plus sanglante pour les Américains pendant la Seconde Guerre Mondiale); il y a des théories comme quoi le Kremlin a partagé moults renseignements des Occidentaux, directement ou indirectement, avec Berlin, afin de saigner tant les Alliés que les Allemands.  Quels formidables alliés ces Russes !

Dans cette perspective, une autre excuse pour vilipender l'Oncle Sam est d'avoir lâché deux bombes atomiques sur le Japon, et cela "seulement" pour intimider notre grand allié russe. 

Mais de fait, il s'avère que cette intimidation a réussi, et Staline a mis fin à certains de ses projets macchiavéliques.  Non pas par rapport au Japon et à l'Asie, mais par rapport à… l'Europe de l'Ouest.  C'est depuis 14 ans que nous connaissons les projets secrets de Staline, date de sortie du livre par le plus grand historien de notre génération.  L'armée Rouge n'allait pas s'arrêter à Berlin, révèle Antony Beevor dans La Deuxième Guerre Mondiale.  Les 400 divisions allaient poursuivre inexorablement leurs avancées et — avec l'aide des partis communistes locaux — rafler toute l'Europe, occidentale comme orientale.  Oui, après la défaite de l'Allemagne, le Kremlin avait pour projet de trahir ses alliés et de lâcher ses divisions sur le reste de l'Europe. Pourquoi ce projet ne s'est-il pas, finalement (et heureusement), réalisé ? Car le NKVD (l'ancêtre du KGB) de Beria a appris l'existence de la bombe atomique (autre excuse pour les anti-Américains de tous pays de fustiger l'Oncle Sam). 

Quelle tristesse ! Si seulement Staline avait pu balayer les armées anglo-américaines et occuper Paris et à Copenhague avec ses chars, cela aurait évité aux nostalgiques de l'Union Soviétique d'avoir à vivre sous le cauchemar de Coca-Cola, de Hollywood et d'une souris nommée Mickey. 

Moi, je dis un grand Thank you aux GIs américains, vilipendés, ainsi qu'à leur bombe nucléaire, toute aussi diabolisée.

• Mais nous arrivons à ce que je considère comme la chose la plus ridicule, sinon obscène, du conte de fées français sur la glorification des Russes pendant la Seconde Guerre Mondiale.  

Effectivement, toutes les louanges sur la bravoure, vraie ou imaginée, de l'âme russe oublient une chose, fondamentale. 

Jean-Marie Pichard tonne qu'il ne faut pas récrire l'histoire.  Ce n'est pas faux, mais M. Pichard ne sait pas pourquoi.  Pour continuer son mépris du peuple américain, il se sent obligé de référer à leur "lobby pro-hithlérien" (sic) d'avant-guerre. M. Pichard, vous ne le savez pas, mais il n'y avait pas de lobby plus pro-hitlérien que… l'URSS de Joseph Staline.

En effet, c'est une erreur, une réécriture de l'histoire, voire un mythe (encore un), d'affirmer que la guerre a commencé quand Hitler a envahi la Pologne.  Non : il est plus juste de dire que la guerre a commencé quand Hitler et le petit Père des Peuples ont ensemble envahi la Pologne, la Wehrmacht la Pologne occidentale et l'Armée Rouge (deux semaines plus tard) la Pologne orientale.

De fait, Jeff Jacoby a proposé que la guerre ne devrait plus être considéré comme ayant débuté en septembre 1939 mais en août, le jour de la signature du Pacte germano-soviétique neuf jours auparavant.  La guerre n'aurait donc pas commencé le 1 septembre 1939, selon le journaliste du Boston Herald, mais le 23 août 1939.  

Eh oui, pendant les premières deux années du conflit, les Nazis et les communistes étaient alliés. D'abord, invasion de la Pologne.  Ensuite attaque et (tentative d')occupation des pays nordiques (Danemark et Norvège pour le Führer, les pays Baltes et la Finlande pour le Vojd). Plus tard, attaque de la Hollande, la Belgique et la France pour Berlin, la Bessarabie et la Roumanie pour Moscou. Tout ceci concorde, par ailleurs, avec le fait, déjà établi, que Staline a essayé de s'emparer de plusieurs pays et régions du continent et par la suite, de l'Europe toute entière — y compris (comme nous l'avons vu) la partie occidentale.

Il est de notoriété publique qu'avant l'invasion de l'URSS en juin 1941, les partis communistes tasaient toute critique sur les Nazis.  Ce qui est beaucoup plus rarement précisé, c'est que les Nazis allemands et les communistes soviétiques étaient de fait des alliés.  

Sans le pacte Ribbentrop-Molotov, Hitler n'aurait jamais commencé la guerre (et, par ailleurs, Staline non plus).  La vérité est que la Seconde Guerre Mondiale n'aurait jamais commencé sans l'aval, et sans la participation, de Staline. 

Quand les deux alliés sont devenus adversaires (mortels), ce n'est point devenu le Bien contre le Mal ; c'était (comme depuis le début) le Mal contre le Mal. 

Il y a incontestablement beaucoup de choses à admirer dans la culture russe, mais une des choses qui est régulièrement ignorée est l'extrême brutalité de cette société, impensable dans les sociétés occidentales en ces temps modernes.  Tout le monde est tenu (même si la tradition de tous les gouvernements, et surtout des autorités communistes, est de mentir ou en tout cas d'exagérer).  Sait-on, par exemple, combien de Russes sont morts pendant la guerre civile russe entre Rouges et Blancs après la prise du pouvoir par les bolchéviques ? Vingt millions. Oui, c'est le même chiffre de fatalités que pendant la Grande Guerre Patriotique et par ailleurs, c'est un chiffre qui éclipse les pertes du régime tsariste pendant la Première Guerre Mondiale, prétendument des chiffres "inacceptables" (dix fois moindres que les quatre années qui suivirent et donc dix fois moindres aussi que les pertes de la Seconde Guerre Mondiale) qui exigeaient la nécessité de rien de moindre qu'une révolution communiste.

Chaque fois que j'entends un Français dire que ce sont les Russes qui ont libéré l'Europe, je l'invite à venir en vacances avec moi. Oui, partons ensemble, M. Pichard allons visiter, par exemple, les pays de l'Europe de l'Est, de l'Estonie à la Roumanie en passant par la Slovaquie.  SI jamais le Français commence à repéter ces âneries, je lui couvrirai (gentiment) la bouche pour éviter qu'il ne se retrouve dans une asile d'aliénés.

À Tallinn, le musée estonien de l'histoire du vingtième siècle est nommée le Musée des Deux Occupations.  Un Lithuanien, lui, disait : "j'ai vécu sous l'occupation fasciste et sous l'occupation communiste ; eh bien si c'était à refaire et si j'avais le choix, je préférerais dix ans sous les Schleus qu'une seule année sous les Ruskoffs"

Il ne faut pas être de confession juive, loin s'en faut, pour approuver la phrase du Talmud :

« Si vous êtes gentil avec les cruels, vous finirez par être cruel avec les gentils. »

Cela explique toute la politique de la Gauche en général, dans quelque pays que cela soit, et c'est particulièrement vrai avec l'indulgence française envers les soviétiques valeureux des années 1940 contrastée avec la méfiance pour les Américains prétendument fourbes.

À lire aussi : Ce que personne ne vous dit sur l'Armée Rouge pendant la Seconde Guerre Mondiale 

Pour plus de détails, aller sur le blog Le Monde Watch et faire une recherche de "Ce que personne ne vous dit sur l'Armée Rouge pendant la Seconde Guerre Mondiale". Erik Svane et Evelyne Joslain discuteront de la dernière année de la guerre en Europe sur Radio Courtoisie mercredi 23 juillet à midi pile. Le 20 août, à la même heure, ils parleront de la Guerre dans le Pacifique depuis Pearl Harbour jusqu'à Hiroshima.

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