…la Russie est entrée dans l'ère des "PR", les public relationsécrit Piotr Smolar dans Le Monde.
…les communiqués, les conférences de presse de Gazprom et des responsables politiques russes se sont succédé à une cadence quotidienne.
Et pour parler aux médias occidentaux, qui de mieux que d'anciens journalistes ? L'équipe de GPlus Europe [société de relations publiques basée à Londres et Bruxelles], spécialisée dans les questions européennes, regroupe de nombreuses signatures : Bernard Volker, ancien pilier du service international de TF1 ; Philippe Lemaître, correspondant du Monde à Bruxelles pendant trente-cinq ans ; Angus Roxburgh, ancien correspondant du Sunday Times et de la BBC à Moscou, puis à Bruxelles ; John Wyles, dix-huit ans au Financial Times ; Michael Tscherny, qui a commencé sa carrière bruxelloise au quotidien Agence Europe ; Nigel Gardner, à l'origine journaliste et producteur sur la BBC, cofondateur de l'agence GPlus fin 2000 avec Peter Guilford.
…Pour la Russie, [la première crise du gaz, début 2006] était tombée au plus mauvais moment, à quelques mois de la tenue inédite du sommet du G8, à Saint-Pétersbourg, qui devait symboliser le grand retour du pays sur la scène internationale. Pour faire de ce sommet une réussite médiatique, le Kremlin avait décidé de s'engager avec les firmes Ketchum - chargée de l'Amérique du Nord et du Japon - et GPlus Europe, qui appartiennent toutes deux au géant du secteur, Omnicom Group. Le contrat - renouvelé par la suite - s'élevait à plusieurs millions de dollars. A cette époque, Gazprom choisit le même prestataire pour sa communication que le gouvernement russe. On peut y voir une recherche de coordination avec le pouvoir exécutif, mais surtout une preuve supplémentaire que le géant gazier est un outil majeur de la politique étrangère russe.Cette prise de conscience des autorités s'est enracinée dans le traumatisme des "révolutions de couleur", en 2003 et 2004, qui ont emporté les régimes ukrainien et géorgien. A l'époque, les télévisions russes clamaient que les habitants de ces pays avaient été manipulés. Leur ton fiévreux n'avait d'égal que l'effarement du Kremlin, pris au dépourvu par ces mouvements pacifiques et démocratiques. Dans le discours officiel, relayé par des experts zélés et des télévisions aux ordres, une sorte de front ennemi s'est constitué au fil des ans : il a agrégé la CIA et son homologue britannique le MI6, le philanthrope George Soros, l'opposant et ex-champion des échecs Garry Kasparov, les ONG, sans parler des Ukrainiens et des Géorgiens, ces anciens frères devenus les chevaux de Troie des intérêts étrangers. Tous voulaient empêcher le redressement de la Russie, stipulait la doxa officielle.
Pour le pouvoir russe, la guerre éclair d'août 2008 contre la Géorgie a été un test - au bilan contrasté - de la communication moderne dans un conflit ultra-médiatisé. … Au cours de ce mois d'août sous haute tension, GPlus Europe pour les Russes, l'agence Aspect pour les Géorgiens, ont inondé les adresses e-mail des journalistes étrangers. Chacun prétendait s'en tenir aux faits. La chronologie minute par minute des premières heures du conflit, le 7 août, a fait l'objet d'un affrontement particulièrement disputé entre spécialistes de la communication. "Au début, on a prétendu que les Russes gagnaient la bataille des "PR", puis que c'était les Géorgiens, affirme Tim Price, à GPlus Europe. Mais en septembre, les dirigeants géorgiens ont concédé qu'ils avaient perdu cette bataille sur un point clé : tout le monde estimait que c'était eux qui avaient commencé la guerre."
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