ire le droit, soixante-douze ans après les faits, est un exercice délicatexplique Piotr Smolar dans Le Monde sur le massacre de Katyn.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) s'y est pourtant employée, en rendant son arrêt, lundi 16 avril, dans l'affaire dite « Janowiec et autres contre la Russie ». Saisie par 15 proches de victimes polonaises du massacre de Katyn commis par le régime soviétique, la Cour a condamné l'absence de coopération judiciaire de la Russie et son « attitude dépourvue d'humanité », dont témoigne « le déni de la réalité du massacre ».
La Cour de Strasbourg a retenu le qualificatif de « traitements inhumains » infligés à dix proches de victimes et qualifié Katyn de « crime de guerre ».
… Dans l'histoire polonaise, le massacre de Katyn est une pierre angulaire. Un crime majeur qui continue à hanter la mémoire collective. Près de 22 000 personnes - essentiellement des officiers de l'armée - avaient été arrêtées, emprisonnées et exécutées de façon planifiée par les services secrets soviétiques (NKVD), en avril et mai 1940, dans la forêt de Katyn, près de Smolensk.Après la seconde guerre mondiale, un deuxième crime fut commis : les autorités communistes coulèrent une chape de plomb sur les morts. Leur destin fut dénaturé (on accusa d'abord les Allemands) puis tu, car il ne cadrait pas avec le récit de la lutte héroïque de l'armée rouge contre les nazis. La transmission du deuil et de la colère se fit donc dans l'intimité du cercle familial.
La puissance des émotions que suscite encore Katyn explique l'accueil glacial reçu en Pologne par l'arrêt de la CEDH, susceptible d'appel. Chaque partie peut y trouver motif de satisfaction et de frustration. …
« Double traumatisme »
Paradoxe : en même temps, la CEDH dénonce la non-transmission par les autorités russes du document justifiant la fin des investigations en 2004. En aucune façon sa publication n'aurait pu « porter atteinte aux intérêts liés à la sécurité nationale ». Mais les mots les plus durs de la CEDH sont réservés au traitement des familles des victimes, qui ont subi un « double traumatisme » : la perte de leur proche, puis la dissimulation de la vérité.
« La Cour est frappée par l'évidente réticence des autorités russes à admettre la réalité du massacre de Katyn, écrit-elle. L'approche choisie par les juridictions militaires russes, consistant à soutenir, face aux requérants et en dépit des faits historiques établis, que leurs proches se sont en quelque sorte volatilisés dans les camps soviétiques, atteste un franc mépris pour les préoccupations des requérants et une tentative délibérée de jeter la confusion sur les circonstances ayant conduit au massacre de Katyn. »
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