Un vétéran yankee du Jour J va retrouver un objet perdu sur les plages de la Normandie en juin 1944
Stéphane Lamache, directeur du Musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise, se
promène avec des amis dans les dunes d'Agon-Coutainville, un clair
samedi de septembre 2012. Un morceau de métal affleure la surface.
L'historien identifie immédiatement une Dog Tag, surnom donné à la
plaque métallique d'identification que portaient autour du cou les
soldats américains pendant le Débarquement.
Voilà ce qu'écrit
Benoît Hopquin dans
un article pour
Le Monde depuis
les plages du débarquement.
Y figurent un nom, James Kelson, et d'autres indications
tels le groupe sanguin, la religion ou la personne à prévenir en cas de
décès, une certaine Elsie Kelson, avec une adresse dans le district de
Columbia, Washington DC.
De telles découvertes ne sont pas rares en Normandie dont le
sol regorge encore d'objets militaires. En général, les collectionneurs
les déposent sur une étagère ou les oublient dans un tiroir. En vrai
spécialiste, Stéphane Lamache entame des recherches, consulte les bases
de données américaines et retrouve la biographie partielle du soldat.
L'homme est né en 1921. C'est un Afro-Américain, un negro citizen,
selon la dénomination de l'époque. Il a fait des petits boulots dans
des restaurants, à bord de trains ou sur des bateaux à vapeur. Il a été
enrôlé le 2 décembre 1942, a fait ses classes à Fort Myer, en Virginie,
avant d'être envoyé en Angleterre puis de débarquer en France, fin juin
1944, à Omaha Beach. Comme la plupart des soldats noirs américains, en
ces années de ségrégation, il n'était pas envoyé dans les unités
combattantes mais versé dans l'intendance, en l'occurrence la
blanchisserie de l'armée.
Les archives dévoilent ainsi la vie de l'homme. Mais rien
sur sa mort. En consultant les registres de décès ou d'inhumation,
Stéphane Lamache ne trouve aucun James Kelson qui corresponde. En
désespoir de cause, il fait appel à un réseau de généalogistes aux
Etats-Unis qui retrouvent la trace d'une fille, Joan. " Et là, elle nous annonce que son père est encore vivant ", raconte Stéphane Lamache. A 91 ans bien sonnés, le vétéran vit dans une maison de retraite à Washington DC.
Antonin Dehays, un autre historien qui se trouve
outre-Atlantique pour ses recherches, rencontre le vieil homme en
janvier. James Kelson lui raconte son séjour en Angleterre puis en
France. " J'ai rencontré beaucoup de Français, des gens bien. "
Après avoir été stationné en Normandie, à Cherbourg et Valognes
notamment, il a été affecté jusqu'à la fin de l'année 1944 à la
surveillance de la frontière franco-belge puis a été envoyé au Japon. Il
est revenu aux Etats-Unis en 1946 et a repris sa routine, comme
manoeuvre dans le bâtiment. De la France, il a ramené quelques rudiments
de la langue, notamment l'expression : " Comme ci, comme ça. "
Sa plaque ? James Kelson ne se souvient pas l'avoir perdue.
Mais l'étourderie va être réparée. Stéphane Lamache a promis d'envoyer
la Dog Tag à l'ancien soldat. Il recevra d'ici à quelques jours ce bout
de rouille qui raconte une histoire à la fois banale et singulière,
sortie de près de soixante-dix ans d'oubli par les mystères des sables
de Normandie.
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