2013/03/31

Un vétéran yankee du Jour J va retrouver un objet perdu sur les plages de la Normandie en juin 1944

Stéphane Lamache, directeur du Musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise, se promène avec des amis dans les dunes d'Agon-Coutainville, un clair samedi de septembre 2012. Un morceau de métal affleure la surface. L'historien identifie immédiatement une Dog Tag, surnom donné à la plaque métallique d'identification que portaient autour du cou les soldats américains pendant le Débarquement.
Voilà ce qu'écrit Benoît Hopquin dans un article pour Le Monde depuis les plages du débarquement.
Y figurent un nom, James Kelson, et d'autres indications tels le groupe sanguin, la religion ou la personne à prévenir en cas de décès, une certaine Elsie Kelson, avec une adresse dans le district de Columbia, Washington DC.

De telles découvertes ne sont pas rares en Normandie dont le sol regorge encore d'objets militaires. En général, les collectionneurs les déposent sur une étagère ou les oublient dans un tiroir. En vrai spécialiste, Stéphane Lamache entame des recherches, consulte les bases de données américaines et retrouve la biographie partielle du soldat.

L'homme est né en 1921. C'est un Afro-Américain, un negro citizen, selon la dénomination de l'époque. Il a fait des petits boulots dans des restaurants, à bord de trains ou sur des bateaux à vapeur. Il a été enrôlé le 2 décembre 1942, a fait ses classes à Fort Myer, en Virginie, avant d'être envoyé en Angleterre puis de débarquer en France, fin juin 1944, à Omaha Beach. Comme la plupart des soldats noirs américains, en ces années de ségrégation, il n'était pas envoyé dans les unités combattantes mais versé dans l'intendance, en l'occurrence la blanchisserie de l'armée.

Les archives dévoilent ainsi la vie de l'homme. Mais rien sur sa mort. En consultant les registres de décès ou d'inhumation, Stéphane Lamache ne trouve aucun James Kelson qui corresponde. En désespoir de cause, il fait appel à un réseau de généalogistes aux Etats-Unis qui retrouvent la trace d'une fille, Joan. " Et là, elle nous annonce que son père est encore vivant ", raconte Stéphane Lamache. A 91 ans bien sonnés, le vétéran vit dans une maison de retraite à Washington DC.

Antonin Dehays, un autre historien qui se trouve outre-Atlantique pour ses recherches, rencontre le vieil homme en janvier. James Kelson lui raconte son séjour en Angleterre puis en France. " J'ai rencontré beaucoup de Français, des gens bien. " Après avoir été stationné en Normandie, à Cherbourg et Valognes notamment, il a été affecté jusqu'à la fin de l'année 1944 à la surveillance de la frontière franco-belge puis a été envoyé au Japon. Il est revenu aux Etats-Unis en 1946 et a repris sa routine, comme manoeuvre dans le bâtiment. De la France, il a ramené quelques rudiments de la langue, notamment l'expression : " Comme ci, comme ça. "

Sa plaque ? James Kelson ne se souvient pas l'avoir perdue. Mais l'étourderie va être réparée. Stéphane Lamache a promis d'envoyer la Dog Tag à l'ancien soldat. Il recevra d'ici à quelques jours ce bout de rouille qui raconte une histoire à la fois banale et singulière, sortie de près de soixante-dix ans d'oubli par les mystères des sables de Normandie.

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