2004/10/13

"L’antiaméricanisme français est une version politiquement correcte de l’antisémitisme"

Dans un entretien qu'il a accordé au correspondant du quotidien israélien Yediot Aharonot, l'ancien éditorialiste de Courrier international Alexandre Adler ne mâche pas ses mots.
Avec une chronique hebdomadaire dans Le Figaro, un bulletin radio par semaine, des interviews à répétition accordées aux télévisions et deux best-sellers en deux ans, il est devenu impossible de rater Alexandre Adler, une véritable encyclopédie vivante, un Juif fier de l’être et, Dieu nous garde, un intellectuel français proaméricain. Après des conflits avec Le Monde, un quotidien de gauche [et propriétaire de Courrier international], il a décidé de rejoindre Le Figaro, un quotidien de droite, en qualité de commentateur stratégique. Parmi ses anciens camarades de gauche devenus ses adversaires, peu osent se frotter à lui dans des débats en direct.

Ce qui préoccupe le plus aujourd’hui Alexandre Adler, c’est le simplisme dont font preuve les Français dès qu’il s’agit de parler des Américains. "Au XIXe siècle, un intellectuel français du nom d’Alexis de Tocqueville écrivait son célèbre De la démocratie en Amérique. En pleine guerre froide, la France de gauche, la France communiste, éprouvait encore une réelle fascination pour les Etats-Unis, et Paris accueillait à bras ouverts la peinture expressionniste de Rothko et de Pollock. Mais aujourd’hui, nous sommes en pleine régression. Peut-être est-ce trop demander aux intellectuels et aux artistes français que de soutenir la guerre de George Bush en Irak, mais ils pourraient au moins reconnaître la complexité de la situation et faire montre de plus de subtilité… J’ai écrit dans un de mes éditoriaux que, même si la victoire de John Kerry était souhaitable, la première raison pour laquelle j’éprouvais de la sympathie pour Bush, c’est qu’il était un antiraciste convaincu et bénéficiait d’un énorme capital de sympathie chez les Noirs et les Hispaniques. Dans certains milieux, cela été pris comme si j’avais dit qu’Hitler aimait la musique et adorait écouter Wagner."

"La France se trouve dans une situation de régression morale et intellectuelle d’une rare gravité. Nous sommes un pays convaincu que si nous travaillons 35 heures par semaine et mettons les gens à la retraite à 55 ans, nous pourrons continuer à préserver notre prospérité. Nous sommes un pays qui détruit son système éducatif. Nous sommes un pays qui continue à porter un regard fasciné sur l’islam extrémiste. Nous sommes un Etat dans lequel les Juifs vivent très bien mais où les médias charrient les clichés antijuifs les plus éculés et les plus violents. Si Engels disait que l’antisémitisme était le socialisme des imbéciles, l’antiaméricanisme français est une version politiquement correcte de l’antisémitisme. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’est plus possible en France de dire contre les Juifs tout ce que les gens aimeraient pouvoir dire, mais contre les Américains, on peut presque tout dire."

…Derrière une presse qui se montre presque unanimement hostile aux Etats-Unis et à Israël, il existe des gens qui se posent des questions, désirent des réponses et veulent nous écouter. Nous n’avons pas encore gagné le combat, mais nous ne l’avons pas perdu non plus."

Sefy Hendler, Yediot Aharonot (extraits), Tel-Aviv

(Merci to Jane B)

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