L'opinion s'extrait lentement de la machine à décerveler entretenue par la bien-pensance, qui interdit de contester le multiculturalisme et dénonce comme xénophobes ceux qui s'inquiètent de la préservation de l'identité occidentale.
écrit
Ivan Rioufol dans son
bloc-notes.
En réalité, c'est la politique de l'Union qui a consolidé le choix d'un rapprochement avec le monde arabo-musulman, au détriment de son atlantisme. Et Jacques Chirac a été l'un des plus convaincus par cette option, allant jusqu'à soutenir que «les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes». La Constitution, qui s'engage à respecter les minorités et les diversités culturelles et religieuses, renonce de ce fait à intégrer l'islam dans le modèle européen et à consolider une communauté de destin. Ce n'est pas rien. Or jamais les citoyens n'ont été informés de leur sort, mijoté dans la confidentialité des sommets. Le bouleversement de leur avenir a été décidé par des dirigeants pressés d'accompagner la pression migratoire pour feindre de la maîtriser. …
La Constitution, lue dans la perspective d'une adhésion de la Turquie … se prête à ce pari farfelu visant, au nom du pacifisme et du respect de l'autre, à laisser islamiser en catimini une Europe laïque. Il reste six mois aux partisans du oui pour convaincre que cette interprétation est inexacte.
Ce n'est pas choisir le «repli» au détriment de «l'ouverture» – argument avancé par Jacques Chirac lors de ses voeux télévisés – que de se dire réticent à ce projet de Constitution qui s'enorgueillit d'être une passoire plutôt qu'un bouclier. Ce n'est pas en dévalorisant le contradicteur qu'un débat serein s'organisera. D'autant que l'opinion publique ne se contentera vraisemblablement plus des vieux trucs consistant à déclarer réactionnaire, demeuré et infréquentable celui qui refuse de se soumettre d'emblée à la pensée dominante ou aux décisions prises par ses experts inspirés.
Ce terrorisme intellectuel est déjà repris par les gardes-chiourmes du discours officiel, qui vantent les bienfaits d'une Europe culturellement métissée et économiquement libre-échangiste et qui réécrivent l'histoire idyllique des invasions ottomanes. Cela fait trente ans que la république des bons sentiments se détourne des réalités dérangeantes, de peur d'avoir à porter des jugements offensant son angélisme. Mais la sanction des faits se profile. Elle impose à présent aux hommes politiques et aux médias de parler sans fausse pudeur, en laissant le Front national à ses outrances.
Dans ce contexte, le temps qui nous sépare du référendum, annoncé «avant l'été», va être une occasion de vérifier si notre démocratie peut retrouver ses réflexes vitaux, en renonçant au lynchage ou à la relégation des récalcitrants. Alors que la liberté d'expression est de plus en plus soumise à l'intolérance du politiquement correct, il est urgent de redécouvrir les bienfaits du choc des idées. Seuls ceux qui craignent la fragilité de leurs arguments peuvent redouter cette confrontation.
Réflexe antiaméricain
Arrive un moment où les jugements automatiques deviennent risibles. Ainsi de l'antiaméricanisme qu'il est convenu, en France, de porter en sautoir si l'on veut être applaudi. Immédiatement après la tragédie qui a frappé les pays riverains de l'océan Indien, les Etats-Unis ont été critiqués pour n'avoir pas suffisamment débloqué d'argent. Puis ils l'ont été pour en avoir recueilli trop. Accusés alors par les uns de vouloir diriger une «coalition» au nez de l'ONU, ils ont été soupçonnés par les autres de chercher au contraire les bonnes grâces de la communauté internationale. Passons…
Curieusement, pas un commentateur ne s'est étonné de la très modeste mobilisation des pays arabo-musulmans, dont certains savent distribuer des fonds quand il s'agit de financer al-Qaida. Cela alors même que l'Indonésie, durement frappée, est avec ses 220 millions d'habitants le plus important pays musulman au monde. Certes, les riches pays pétroliers comme l'Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis ou le Koweït, ont débloqué quelques dizaines de millions de dollars au total. Mais la somme reste dérisoire à côté de l'incroyable générosité venue de l'ensemble des pays occidentaux.
… Oui, la catastrophe asiatique donne aussi à l'Occident l'occasion de montrer ses vertus. Et alors ? Il n'y a pas de raison d'en rougir. …
Le monde entier, et singulièrement les musulmans touchés par les tsunamis, regarde les démocraties à l'oeuvre. Elles envoient leurs volontaires, leurs humanitaires, leurs ministres mais aussi leurs soldats, leurs porte-avions, leurs hélicoptères. Elles sont l'honneur d'une humanité à qui l'on enseigne que l'Occident serait la cause des maux des pays les plus pauvres. En réalité, elles n'ont rien à se faire pardonner, sinon d'avoir fait preuve de la réussite de leur modèle. Mais, si les esprits chagrins veulent voir une contrition dans cette splendide mobilisation, why not ! …