2012/04/14

Humanistic EU Lesson-Givers to Build a Wall to Keep Out Illegal Immigrants



While Europeans never cease giving Americans lessons on racism, and on generosity, and on tolerance, along with the meaning of hospitality, Guillaume Perrier has a story on the EU planning to build a wall in Eastern Greece to prevent illegal immigrants from coming into the Schengen Zone from Turkey.
Un mur va s'élever à la frontière orientale de l'Union européenne (UE), entre la Grèce et la Turquie. Plus exactement, une clôture anti-migrants : deux rangées de barbelés hautes de 3 m et longues de 12 km, surmontées de caméras, devraient être plantées d'ici l'été entre la bourgade grecque de Nea Vyssa et la ville turque qui lui fait face, Edirne. Le chantier de cette barrière, similaire à celle qui avait été installée autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, vient d'être lancé, en dépit des nombreuses critiques.

Car au-delà de l'image négative d'une Europe qui se barricade, une telle mesure a peu de chances de réduire effectivement les flux migratoires. L'initiative controversée du gouvernement d'Athènes, qui coûtera environ 3 millions d'euros au contribuable grec, est censée fermer l'accès à la zone Schengen pour les clandestins qui, en nombre croissant, franchissent la frontière depuis la Turquie.

Mais la Commission européenne, sollicitée par la Grèce, a refusé de financer la construction d'une barrière jugée " plutôt inutile " par la commissaire suédoise chargée des affaires intérieures, Cecilia Malmström. Début février, la Commission a fait valoir qu'Athènes ferait mieux de consacrer cet argent à l'accueil des migrants, hébergés dans des conditions déplorables depuis des années. La France et l'Allemagne, au contraire, militent en faveur de cette clôture symbolique.

Le mur viendra calfeutrer une brèche de 12 km dans la frontière. Sur les 200 km restants, le fleuve Evros (Meriç en turc) fait office de séparation, mais à cet endroit il fait un coude et entre en territoire turc, formant un couloir naturel par lequel s'engouffrent chaque année des dizaines de milliers de voyageurs clandestins. Un point sensible découvert en 2010 : cette année-là, environ 55 000 personnes ont été arrêtées, côté grec, après avoir franchi illégalement la frontière, à pied, à travers champs, soit une hausse de 415 % sur un an ! Combien sont entrées sans être détectées ? Peut-être trois fois plus. La frontière gréco-turque est devenue, de très loin, le premier point d'entrée des clandestins dans la zone Schengen.

Mission de police européenne

En novembre 2010, l'agence Frontex, chargée de la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, a donc décidé de déployer pour la première fois une mission de police (baptisée " Rabit "), rassemblant des représentants des 27 pays membres. Cette mission a été étendue avec le dispositif européen " Poséidon ". En 2011, les passages dans la région d'Edirne ont quasiment baissé de moitié. L'agence européenne se félicite d'une diminution de 41 % des interpellations au nord de la zone frontalière.

" La situation s'améliore. La mission Frontex a eu un effet, estime Jean-Noël Magnin, l'un des officiers de la police aux frontières française (PAF) détaché à Alexandroupolis, à l'ouest de l'Evros. Des moyens ont été mis en oeuvre avec, par exemple, un hélicoptère équipé de caméras thermiques qui survole la région. Aujourd'hui, on arrive à briser des maillons de la chaîne. Mais quoi qu'il arrive, cette frontière restera toujours un point sensible. " Selon ce policier, spécialiste des faux papiers, 130 " facilitateurs " (des passeurs) ont été arrêtés en 2011.

En réalité, les routes d'accès à la Grèce se sont déplacées vers le sud. Le nombre d'entrées a été multiplié par trois dans la province grecque d'Alexandroupolis. Environ 60 000 illégaux ont été interceptés en provenance de Turquie en 2011, un nombre en augmentation par rapport à 2010. Et, chaque nuit, des dizaines parviennent à entrer sans être pris. Les migrants traversent désormais le fleuve Evros, en barque ou en Zodiac, sur des chambres à air de camion, parfois même en s'accrochant à une corde tendue entre les deux rives.

" Ils peuvent construire toutes les clôtures qu'ils veulent, nous passerons toujours ", fanfaronne Ali, un contrebandier turc du village de Karaagaç. Les réseaux de passeurs, mouvants et de mieux en mieux organisés, se jouent des obstacles. En 2012, le rythme s'est accéléré : plus de 5 000 passages ont été " détectés " sur les deux premiers mois, soit une hausse de 30 % par rapport à l'année précédente.

Sur le quai de la gare d'Alexandroupolis, un couple de Syriens et leurs quatre enfants attendent le train pour Athènes. Partie d'Alep, entrée légalement en Turquie, cette famille a été prise en charge par des passeurs contre plusieurs milliers d'euros. " Avec la situation politique, cela devenait trop dangereux ", soupire la femme, un bébé dans les bras.

Après Istanbul, puis une traversée périlleuse de l'Evros et, enfin, deux jours passés dans la cellule crasseuse d'un centre de rétention de la police grecque, ils peuvent poursuivre leur route. Une fois enregistrés par les policiers de Frontex dans le fichier Schengen, ils repartent, comme les autres migrants, avec une injonction de quitter le territoire grec dans les trente jours. C'est plus qu'il n'en faut. A peine quelques jours plus tard, ils seront en Allemagne.

Des passeurs qui s'adaptent

Les Syriens comme eux sont de plus en plus nombreux à parvenir jusqu'à la frontière grecque : au moins 1 500 l'ont traversée clandestinement en janvier et février. Conséquence directe des violences qui frappent la Syrie depuis un an. Sur le quai de la gare, les Syriens croisent des Afghans, des Pakistanais, des Iraniens, des Somaliens, des Algériens, ainsi que des Dominicains. Et tous ont emprunté la même route.

Chaque fois que l'Europe renforce ses contrôles, les réseaux de passeurs s'adaptent à la nouvelle donne, estime Piril Erçoban, responsable d'une association turque de solidarité avec les réfugiés (Multeci-Der), basée à Izmir. " Hier, les migrants passaient par la mer Egée, aujourd'hui par le fleuve Evros, demain, ce sera par la frontière bulgare ", dit-elle.

Jusqu'en 2005, les côtes espagnoles et italiennes étaient les plus abordables. Puis les routes migratoires se sont détournées vers la frontière gréco-turque : de 2006 à 2009, les migrants tentaient de rejoindre les îles de la mer Egée, Samos, Lesbos, Kos, entassés sur des barques de pêche.

La Turquie est facilement accessible, et Istanbul, carrefour de tous les trafics, à trois heures de la frontière grecque, est devenue une plaque tournante pour l'immigration clandestine vers les pays de l'UE. Mais la Bulgarie et la Roumanie, dont l'adhésion à la zone de libre circulation de Schengen a été reportée, commencent à voir débarquer de plus en plus de clandestins.

" Pour les candidats à l'émigration, peu importe le temps, les murs, les grilles, qu'il y ait Frontex ou non... déclare Mme Erçoban. Ils ne sont pas en visite touristique, ils fuient des violations des droits de l'homme, des guerres. Il y a toujours un chemin... Cela va continuer mais il faudra payer de plus en plus cher, et de plus en plus de gens vont mourir en tentant de traverser. "

En 2011, environ 80 corps ont été retrouvés sur les rives grecques. Une cinquantaine côté turc, selon le gouvernorat d'Edirne. L'hiver, les noyades dans l'Evros et les cas d'hypothermie sont courants. En janvier, onze Algériens sont morts après avoir chaviré dans les eaux du fleuve en crue.

Dans ces conditions, le ticket pour un aller vers Schengen se monnaie à partir de 500 euros à la frontière. Les voyageurs paient parfois jusqu'à 8 000 euros pour une prise en charge depuis leur pays d'origine, jusqu'à leur destination finale, faisant la fortune des réseaux mafieux.

Guillaume Perrier

4 comments:

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