"Une impression de désorganisation généralisée" : telle est la conclusion des sénateurs, à l'issue d'un examen de la réforme de la défense qui, depuis 2009, rénove de fond en comble la maison militaire.Ainsi commence l'article de Nathalie Guibert dans Le Monde.
Réforme ? Plutôt une révolution, disent les parlementaires. "Encore plus que la professionnalisation des armées, la constitution des 60 bases de défense a été une véritable révolution", prévient André Dulait (UMP), l'un des rapporteurs. Vite baptisées BDD, ces chimères sont nées de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc sur la défense nationale. Leur principe ? Dans une région donnée, régiments, formations et services mettent à présent le soutien en commun, soit tous leurs moyens d'administration générale — personnels, achats, transport, restauration, entretien. Le but ? Générer des économies en mutualisant tout ce qui peut l'être. La cause est juste : on reversera les gains dans les équipements et la condition des personnels. Pour l'armée de terre, ce fut un choc culturel, car la fin de la règle séculaire "un chef, une mission, des moyens".
Les mots des sénateurs reflètent le tournis provoqué : "cacophonie zonale", "incohérence des frontières", "désarroi". 30 000 personnes, militaires et civils, ont quitté leur armée d'origine et changé de chef pour rejoindre le soutien commun. Tandis que des milliers d'autres traversaient la France au gré des fermetures ou des transferts de site. On découvre qu'un militaire de Carcassonne dépend de Toulon pour la "plateforme achats-finances", de Bordeaux pour sa reconversion, de Lyon pour l'action sociale. Les "exemples rocambolesques abondent des difficultés générées pour les personnels".
… la photo n'est pas encore considérée comme ratée. Car l'essentiel a été préservé : pour les opérations, de l'Afghanistan à la Libye, le soutien n'a pas failli, les armements étaient disponibles, les hommes capables. "Ce premier résultat mérite d'être souligné avec force", disent les parlementaires, d'autant qu'au plus fort de 2011, 12 000 soldats combattaient simultanément hors de la métropole. Il se trouve aussi des exemples nombreux de rationalisation réussie : ici une baisse de 10 % des effectifs dans un "bureau transport", là des économies notables d'énergie. Les BDD ont déjà permis d'économiser 10 000 emplois.
… Les bases ont été frappées d'un phénomène "d'économies forcées". …Ne bougeons plus, conseillent pourtant les sénateurs au nouveau gouvernement. Pour ne pas ajouter de la confusion à la désorganisation, il faut résister à la tentation de tout remettre à plat. "Les militaires et civils ont absorbé un choc terrible, il faut leur dire quel en est le sens. Il faut asseoir la réforme", estime le rapporteur (PS) Gilbert Roger. Un général traduit : "Après ce qu'elle vient de vivre, l'armée n'attend qu'une chose : qu'on lui foute la paix."
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