La pauvreté n'est pas un crime", explique l'association Emmaüs dans une campagne publicitaire. Il faudrait ajouter : la richesse non plus.
C'est ainsi que
Pascal Bruckner commence son papier dans Le Monde.
Le mauvais tour pris par l'affaire Cahuzac réveille chez nos
compatriotes une vieille passion française, la haine de l'argent, née de
la rencontre du catholicisme et de l'esprit républicain, et qui n'est
la plupart du temps que de l'envie inversée. Comme si la soif de l'or se
nourrissait de ce qu'elle enlève aux hommes, prostituait leurs rêves
les plus chers.
Paradoxe étonnant : la France n'entre dans le capitalisme mondial,
surtout à gauche, que sous l'angle de la dénégation, à travers une
débauche d'anathèmes qu'on aurait tort de prendre à la lettre mais qui
font porter le soupçon sur toute espèce de réussite.
Au moment où l'on fustige le règne de l'argent, l'Europe s'appauvrit,
notre pays subit chômage, marasme, austérité. Etrange monarque qui
règne sur un désert. L'argent, c'est d'abord ce qui manque tragiquement :
à l'Etat, aux particuliers et la principale terreur de nos
compatriotes, c'est le déclassement social. En quoi l'ostentation dans
la modestie pécuniaire chez nos ministres, soumis à la contrainte de
transparence, ne dupe personne.
… Dénoncer chez les autres ce que l'on incarne soi-même, telle fut
l'inversion des valeurs à laquelle s'est livré M. Cahuzac. Mais il ne
faudrait pas que cet exemple de duplicité nous entraîne dans une
apologie de la pauvreté telle que la défendent les écologistes et
certains économistes repentis. Nous demander de chérir l'indigence comme
notre bien le plus précieux, vanter " la frugalité heureuse",
c'est, sous couleur de sauver la planète, vouloir plier les populations à
la nouvelle donne économique qui pénalise les classes populaires et
moyennes.
Nous sommes déjà en décroissance, elle s'appelle la récession et
n'apporte que détresse et malheurs. Ne commettons pas un contresens
fondamental : ce n'est pas l'argent qui est fou, c'est son absence.
A vociférer contre le Veau d'or, semaine après semaine, alors que la
France s'enfonce, à suspecter dans le moindre succès industriel ou
commercial une spoliation ou un vol, on décourage les jeunes générations
de travailler chez nous, on pousse les plus talentueux à s'exiler.
Plus grave que la fraude fiscale, la fuite des cerveaux menace
directement notre avenir. L'esprit d'entreprise, l'appât du gain, n'ont
en soi rien de honteux. S'il y a de l'argent sale, il y a aussi de
l'argent juste.
2 comments:
Obrigado para OT
L'éthique, c'est l'esthétique du dedans....
you're welcome!
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