2011/09/01

Les Européens mettent l’économie au bord d’une crise mondiale, mais c’est la faute des Etats-Unis ; c’est là que se trouve la maladie européenne


Suite à l'interview de Laurence Parisot dans Le Figaro, Georges Ugueux réagit dans Le Monde avec un post intitulé Les contre-vérités de Laurence Parisot et du Medef:
C’est avec stupéfaction que j’ai pris connaissance des contre-vérités contenues dans l’interview de la présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef) par le Figaro. Ce serait risible si, vu la position de Laurence Parisot, cette dernière ne discréditait avec elle le patronat français en tombant dans le déni des responsabilités européennes. Je n’en relèverai que cinq.

Contre-vérité 1 : "Je parlerais plutôt d'une 'orchestration' outre-Atlantique des difficultés de l'Europe."

L’Europe est incapable de résoudre depuis dix-huit mois les difficultés qui atteignent maintenant cinq pays européens à des degrés divers. Les obligations grecques à deux ans, qui avaient un rendement de 6 % en novembre 2010, ont un rendement de 48 %, soit une aggravation de huit fois en raison de l’inaction de l’Eurozone.

En faire une orchestration outre-Atlantique ignore le fait que ce n’est qu’au cours des derniers mois que les marchés et les investisseurs américains ont commencé à sérieusement s’inquiéter devant l’incapacité de l’Europe à résoudre ses problèmes.

Contre-vérité 2 : "Quand des publications américaines très lues par les investisseurs et les analystes financiers titrent sur de fausses annonces dramatiques, des questions se posent."

Cette attaque en règle des médias américains est un mensonge et dénote une tendance grave : on n’accuse pas en bloc les médias américains alors qu’ils ont fourni des analyses sérieuses.

Les analystes financiers ont fait leur devoir, et ils sont, comme nombre d’entre nous, conscients du fait que la déferlante qui risque de détruire l’Eurozone amplifie chaque jour.

Madame Parisot souhaite-t-elle des analyses complaisantes ? Est-ce sa conception de la communication et du rôle des analystes financiers ? Veut-elle nous faire croire que les analystes européens sont moins sérieux ? Il suffit de lire la masse d’analyses et d’articles étayés publiés en Europe pour savoir qu’ils sont aussi inquiets et critiques que leurs collègues outre-Atlantique.

Contre-vérité 3 : "Une fois ces difficultés surmontées, nous retrouverons une croissance vive et créatrice d'emplois, mais il ne faut pas se tromper dans l'analyse de ce que nous avons vécu cet été."

Le patronat français peut-il soutenir ces positions optimistes ? L’emploi a diminué en Europe dans des proportions importantes et les entreprises ne sont pas prêtes à recruter dans un avenir proche. "Nous avons aussi prévu une délibération sociale sur le marché du travail." C’est tout ce que vous avez à dire aux jeunes sans emploi ?

C’est en Europe que nous sortons d’un trimestre de croissance zéro. Les causes de la faiblesse de cette croissance se trouvent, oui madame, dans un manque de dynamique de création d’entreprises et d’emplois en Europe.

Faire croire que les difficultés de cet été seront surmontées, sans dire comment, est irresponsable. Quel est l’engagement des entreprises ?

On préférera à cette rhétorique la déclaration courageuse des seize chefs d’entreprises qui sont prêts a des sacrifices supplémentaires, tant la situation est précaire.

Contre-vérité 4 : "Certes. Les dettes ne sont plus tenables. Elles doivent être résorbées au plus vite. Comme le montrent les mesures prises la semaine dernière, le gouvernement n'a pas tardé à entendre l'avertissement."

Comment résorbe-t-on des dettes ? En tout cas, pas par l’annonce du gouvernement, aussi dénuée de contenu qu’insuffisante par son montant. Non, madame, personne n’a cru aux "sacrifices" de la France en dehors de France. Ils proviennent de diminution des "niches fiscales" et de taxation de la consommation. A la suite de cette annonce, le niveau élevé des rendements des obligations d’Etat et de la prime de risque de la France n’a pas frémi et ne s’est pas amélioré.

L’accroissement des impôts des entreprises est de l’ordre de 1 % des recettes fiscales qui proviennent de celles-ci. Je comprends votre satisfaction.

Le déficit budgétaire de la France est le plus élevé des pays notés AAA. A 7 % l’an dernier, il devait descendre à 5,60 % cette année. Seulement, voilà : la croissance n’est pas au rendez-vous et les entreprises restent frileuses. Nous serons donc à 6 %. Les annonces de la semaine dernière pourraient au mieux diminuer le déficit à 5 %. Et en 2013, on sera a zéro ?

Ce ne sont pas les Américains qui sont responsables du fait que la prime de risque française vale le double de l’allemande. La détention des obligations françaises, tenue secrète par le gouvernement, se situe essentiellement en Europe et pas outre-Atlantique.

Contre-vérité 5 : "Ces voies ont l'immense avantage de ne pas toucher à notre modèle social."

Dans les mesures que vous préconisez, les efforts sont demandés à tous… sauf aux entreprises. Quel est leur engagement dans la sortie de l’endettement de la France et l’emploi ?

"Aller plus loin suppose d'autres réformes structurelles : se concentrer sur les collectivités locales (...) ; travailler aussi sur la santé, notamment l'hôpital public (pourquoi facture-t-il plus à l'assurance maladie que le secteur privé pour les mêmes prestations ?) ; enfin, développer partout les partenariats public-privé et les délégations de service public."

Vous savez parfaitement que le modèle social doit être remis en question, mais pas seulement dans le secteur public et dans les mesures sociales. Votre discours donne l’impression que tout cela ne concerne pas les entreprises.

Heureusement, nous voilà rassurés. "Les Américains ont sans doute voulu repasser le mistigri à l'Europe." Nous mettons l’économie au bord d’une crise mondiale, mais c’est la faute des Etats-Unis. C’est là que se trouve la maladie européenne : la recherche d’un coupable qui, en aucun cas, ne saurait être européen.

"Le problème commun du monde développé est un endettement qui a servi à financer des investissements sans valeur." C’est Christine Lagarde qui le disait officiellement ce week-end… aux Etats-Unis. C’est une orfèvre en la matière.

1 comment:

Janina said...

Excellent ! Bravo !