Les images et la rhétorique des Le Pen et du FN
aroles, paroles, paroles... »
Marine Le Pen aime chanter ce tube de Dalida pour dénoncer les
promesses de vent de ses adversaires politiques. Pourtant, s'il est bien
un parti qui, faute de mandat exécutif, existe avant tout comme
discours, c'est le Front national. Car tout autant qu'un groupe
politique, c'est un système de communication global - des hommes mais
aussi des mots -, qui explique son succès.
Depuis sa fondation, en 1972, selon
Cécile Alduy dans
Le Monde,
le Front national s'appuie sur un
imaginaire de la décadence française, un récit anxiogène d'une
redoutable efficacité
Dès la fin des années 1970, les leaders du parti, s'inspirant
du théoricien socialiste Antonio Gramsci, se lancent explicitement dans
une bataille sémantique. Or un retour sur quarante ans de parole
frontiste révèle une remarquable stabilité des structures profondes de
ce discours extrême. Au-delà des effets de surface - néologismes et
calembours du patriarche, humour policé de la fille -, ce sont les mêmes
mythes ancestraux que propage le Front national depuis sa création en
1972 : décadence, nostalgie d'un âge d'or révolu, théorie du complot et
appel au chef messianique trament un récit national d'une efficacité
redoutable.
L'une des forces du frontisme est d'être une forme de
discours qui fait immédiatement sens. La cohérence anthropologique de
la vision du monde qu'il véhicule explique en partie la longévité
politique et l'attractivité d'un parti dont le programme s'est pourtant
fossilisé en 1978.
La cosmologie lepéniste est fondamentalement
une eschatologie : la fin du monde, ou plutôt de la France, est annoncée
à longueur d'années. Jean-Marie Le Pen est le prophète des visions
apocalyptiques : barbarie, anarchie, fléaux, et « torrents de sang » émaillent ses textes. Marine Le Pen se contente de rationaliser le vocabulaire millénariste dont elle hérite.
Un deuxième article de
Cécile Alduy vient complèter la page,
La rhétorique diabolique des Le Pen :
EAN-Marie
Le Pen jouait volontiers au diable ; Marine Le Pen se campe en ange
laïc. Mais la « dédiabolisation » ne signifie pas l'abandon d'une
mythologie manichéenne d'inspiration biblique : le potentiel émotionnel
de cette configuration fantasmatique est trop puissant pour ne pas être
exploité.
Jean-Marie Le Pen a sciemment participé à sa propre
diabolisation. Très tôt, il comprend l'intérêt médiatique et la
légitimité morale paradoxale que cette double posture de victime et de
trublion lui confère. Tandis que l'ethos victimaire fait de lui un
martyr, il puise son autorité dans une parole subversive, donc vraie :
Lucifer « porteur de lumière » dit les vérités qu'on ne veut pas
entendre.
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