2014/06/03

Mistral: "quand des pays s'emparent par la force d'une partie du territoire de leurs voisins, ce n'est pas le meilleur moment pour leur fournir un armement sophistiqué"


Radoslaw Sikorski, le ministre polonais des affaires étrangères, a été interviewé par Yves-Michel Riols du journal Le Monde à Varsovie.

Dans le courrier des lecteurs, nous apprenons qu'il y a deux pétitions contre la vente des Mistrals à Moscou.

Pour revenir à l'entretien :
La venue du président Obama en Pologne illustre-t-elle le retour des Etats-Unis dans la région à cause de la crise en Ukraine ?

Nous verrons, mais cette visite est certainement l'illustration que les Etats-Unis ont accompli leurs plus grands triomphes en Europe. D'abord en libérant l'Europe de la domination nazie, et ensuite en libérant le continent du communisme. Cela démontre la profondeur de notre relation et aussi l'aptitude des Américains à nouer des liens en Europe avec des nations qui leur sont proches en idées, dans leur mode de vie et leur façon de gouverner.

Les Polonais ont-ils l'impression que les Etats-Unis sont le seul allié sur lequel ils peuvent vraiment compter en temps de crise ?

Nous avons été très impressionnés, l'année dernière, par la participation française aux premiers exercices d'envergure de l'OTAN sur notre territoire.

La France y avait envoyé mille soldats. En règle générale, nous pensons que l'Europe, pour son propre bien, devrait avoir plus de capacités dans le domaine de la défense.

Dans le contexte de crise en Ukraine, la France doit-elle livrer les deux navires de guerre Mistral à la Russie ?

Non, car les généraux russes ont déjà dit à quelle fin ils comptaient utiliser ces navires : pour menacer les voisins de la Russie dans la mer Noire. Et il s'agit de pays partenaires de l'Europe.

Quel serait alors le coût de nouvelles sanctions contre la Russie pour les autres pays de l'Union européenne ?

Les sanctions pénalisent toujours les pays qui les adoptent de façons différentes. Dieu merci, la Russie n'a pas envahi l'Ukraine et n'a pas torpillé l'élection présidentielle du 25 mai, c'est pour cela que nous, les Européens, n'avons pas imposé la troisième phase de sanctions économiques. Mais nous avons nommé la Russie comme l'agresseur en Crimée et je ne pense pas que la France aimerait être dans la position de fournir des armes efficaces à un agresseur.

La Pologne a des échanges commerciaux beaucoup plus importants avec la Russie que la France. En cas de sanctions, la France pâtirait dans certains domaines, les Britanniques dans d'autres, les Allemands et nous dans d'autres domaines.

Nous avons besoin de la diplomatie pour éviter d'avoir à imposer des sanctions supplémentaires. Mais quand des pays s'emparent par la force d'une partie du territoire de leurs voisins, ce n'est pas le meilleur moment pour leur fournir un armement sophistiqué.

Demandez-vous un redéploiement des troupes de l'OTAN vers l'Est ?

Le fait est qu'il y a une présence de l'OTAN en Turquie, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, au Portugal, en Allemagne : c'est un anachronisme de la guerre froide. Et cet anachronisme doit être examiné. Nous demandons seulement que soit appliqué ce qui avait été envisagé avant même que la Pologne ne rejoigne l'OTAN, en 1999, à savoir que certaines forces doivent être redéployées.

C'était il y a quinze ans, mais rien n'a été fait. Il est grand temps de corriger cette situation. …/…
Mise à jour : Par le plus étrange des coincidences, de nombreux Européens de l'Est semblent d'accord avec le ministre polonais des affaires étrangères. Le premier ministre de l'Estonie : Je ne suis pas convaincu qu'il serait opportun de livrer des armes sophistiquées et de très haute technologie à la Russie en ce moment

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