En tant que conservateur américain qui a débattu avec Jake Lamar à la télévision française, j'ai été affligé suite à la lecture de son article sur Fox News (La désinformation continue, Le Monde Magazine nº 32 du 24 avril 2010, p 42-45). Si quelqu'un confond commentaire et analyse, comme il en accuse cette chaîne, c'est bien son article qui véhicule les caricatures les plus grotesques concernant la chaîne, les Républicains, les conservateurs, et les habitants de l'Amérique profonde dans leur ensemble.
Et j'estime que la moindre des choses est que tous les sus-mentionnés méritent un droit de réponse.
S'il est vrai que la raison principale de l'opposition à Obama est que des équivalents américains du Front National "ne supportent pas de voir leur pays dirigé par un Afro-Américain de centre gauche", pourquoi soutiennent-ils Obama lorsqu'il annonce par exemple un renforcement des troupes en Afghanistan ? Pourquoi les tea partiers soutiennent-ils alors, en Floride, un Latino (inconnu, à savoir Mario Rubio) plutôt qu'un WASP (célébre, à savoir le gouverneur Charlie Crist), ainsi que le Noir Allen West, étoile montante dont les discours sur YouTube sont prisés dans le pays tout entier ? Pourquoi leurs voisins de la Louisiane ont-ils choisi comme gouverneur un Républicain originaire de l'Inde (Bobby Jindal), à la peau plus foncée qu'Obama ? Si l'opposition à son système de santé n'était pas basé sur autre chose que du racisme, pourquoi les Républicains ont-ils opposé dans les années 1990 la réforme de la santé de Bill Clinton, qui (jusqu'aux dernières nouvelles) était (et est) un homme de race blanche ?
Se pourrait-il que les positions des Américains de droite soient basées (aussi incroyable que cela puisse paraître) sur quelques principes (par exemple, une politique étrangère forte, ainsi que des politiques sociales laissées aux soins des 50 États — principes propres à… la Constitution, document fondateur des USA) — plutôt que sur des supposés manquements psychologiques bas et vils ?
Quelques chiffres et quelques faits : La vérité est qu'aucun Républicain ne peut pas plus attaquer le projet de loi sur le système de santé qu'aucun Démocrate ne peut le défendre ; car cette loi — qui fait 2500 (!) pages et crée plus de 100 (!) nouvelles bureaucraties — a été votée sans que les élus n'aient eu le temps de le lire. Exactement comme le "stimulus" de 2009, qui coûte la bagatelle de 787 milliards de dollars et qui fut voté sans le moindre débat, malgré les promesses d'Obama de transparence et d'une nouvelle ère de "bipartisanship" (bipartisme). En un an, il s'avère que Barack Obama a dépensé plus d'argent que George W. Bush ou Bill Clinton en huit ans.
Les dépenses irresponsables et les subventions interminables ont mis des pays comme la Grèce et le Portugal dans le pétrin dans lequel ils sont maintenant ; est-il possible que le peuple américain ne veut pas les mêmes politiques étatistes pour leur pays — quelle que soit la couleur de peau de leur président — et qu'il exige que l'opposition républicaine dise "Non" aux projets, demésurés, d'Obama ?
Frédéric Joignot entend préfacer l'article de Jake Lamar (qui soit dit en passant n'a pas vécu aux USA depuis 17 ans) avec une description des Tea Partiers comme les membres de "la base la plus radicale de la droite et de l'extrême droite américaine". Est-ce radical, est-ce populiste, est-ce être "frénétique" et "aigri" et "hargneux" et "virulent" d'attendre de ses élus — blancs ou noirs — un minimum de transparence et de responsabilité financière, surtout lorsqu'en temps de crise, la logique exige de chacun de faire des économies et de "se serrer la ceinture" (et que par ailleurs, l'argent dépensé à droite et à gauche par le gouvernement Obama est en fin de compte le leur — celui des contribuables) ? Peut-être que d'aucuns ont des bonnes raisons de ne pas "décolèrer", voire de "s'étrangler de rage"…
Le problème des Démocrates — comme celui des supporters étrangers d'Obama — est qu'ils ne prennent pas leur idole pour le président des États-Unis, ils le prennent pour "le" guide spirituel de l'Amérique censé amener ce peuple de prétendus ignorants vers le nirvana (la social-démocratie à l'européenne). Et devant ce Grand Timonier auto-proclamé, les critiques devraient se taire et ignorer ses (nombreuses) promesses non tenues.
Le problème (pour les partisans idéologiques d'Obama) est que nous ne sommes pas convaincus (et que nous avons de — bonnes — raisons de ne pas l'être) que l'Amérique remplit cette description de cet endroit infernal et inhumain véhiculé (et vilipendé) par les gauchistes du monde entier (en Amérique comme à l'étranger) ; nous avons des raisons de ne pas être convaincus que les Européens sont des êtres extra-lucides qui auraient trouvé le moyen d'amener le paradis sur terre (loin de là) ; et nous avons des raisons de ne pas être convaincus par ce conte de fées dans lequel Barack Obama est le Grand Timonier censé nous conduire vers la délivrance.
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