2018/11/26

La grande méprise de nos «élites» est de perdre de vue, consciemment ou pas, la quintessence de leur statut: être au service du service public et du bien commun

Suite à l'affaire Carlos Ghosn (le PDG de l'alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi mis en cause par la justice japonaise pour soupçon de dissimulation de revenus), le général Bertrand Soubelet pond un papier dans Le Figaro qui aurait tout aussi bien pu s'adresser (peut-être plus) aux politiciens sortis de l'ENA.
Sans préjuger des suites judiciaires dans une affaire politico-industrielle aux enjeux considérables, ce nouvel épisode met en lumière deux questions importantes.

La première concerne le modèle de «grands patrons» que produit la France, même si le cas de Carlos Ghosn est atypique, et la deuxième nous renvoie encore à l'éthique des élites de notre pays.

Finalement le profil et la formation des chefs d'entreprises français révèlent des constantes. Depuis au moins 20 ans beaucoup de nos fleurons industriels sont entre les mains de cadres et de patrons «hybrides» sortis de plusieurs grandes écoles à la fois: Polytechnique, École des Mines, HEC et parfois l'ENA.

Cette endogamie est frappante à l'étude du cursus des responsables de Thalès, Safran, Alstom, Renault, EDF, Airbus,Total, Engie, Air France notamment, de ces dix dernières années.

Leurs compétences et leur légitimité ne sont pas en cause et pour la plupart ils réussissent. Mais à quel prix?

Et quelle différence avec les patrons d'industries propriétaires de l'outil de production! Le rapport à l'entreprise, aux salariés et à la rémunération est fondamentalement différent. L'entreprise est un patrimoine à préserver et la vision à long terme l'emporte sur les dividendes à servir aux actionnaires.

J'ai beaucoup de respect pour ces entrepreneurs plutôt «familiaux» car ils sont en majorité, discrets, toujours dans la mesure et producteurs d'équilibre social dans la durée.

Cette différence avec les groupes précédemment cités est accentuée en raison du rôle de l'État actionnaire qui pèse très lourdement dans la nomination des PDG. Ils sont désignés de manière quasi-discrétionnaire et cette légitimité, donnée à la fois par une sorte d'esprit de caste et la tutelle de l'État, peut mener à des excès.

Ces excès résultent de la conception bien française d'hommes «providentiels» qui concentrent entre leurs mains des responsabilités écrasantes. La réussite s'évalue par des niveaux de rémunération qui deviennent un critère et une référence mais qui précipitent parfois les intéressés dans des comportements irrationnels savamment masqués.

 … Ma conviction est que ce modèle est dangereux, porteur d'un message social et sociétal pernicieux. Malgré les apparences, il favorise trop souvent la stratégie personnelle y compris pécuniaire plutôt que la réussite collective.
C'est la raison pour laquelle l'éthique des dirigeants est essentielle.

Et elle donne de sérieux signes de faiblesse. Certains parlent de «nos élites» mais très sincèrement nos élites ne se trouvent pas du côté des dirigeants qui sont capables d'exiger des sommes considérables pour faire leur métier en s'assurant toujours d'une porte de sortie confortable.

Elles ne se trouvent pas dans cette forme de mélange entre l'entrepreneur «haut fonctionnaire» et l'homme providentiel aux accents de mercenaire.

Elles ne se trouvent pas dans des hommes capables d'imaginer pouvoir contourner les règles au nom de leur réussite ou de leur notoriété.

Elles ne se trouvent pas non plus dans cette arrogance souvent dissimulée derrière de l'austérité ou de la bonhomie.

La grande méprise de nos «élites» est de perdre de vue, consciemment ou pas, la quintessence de leur statut: être au service des entreprises, et pour le service public, être au service du bien commun.

 … Le manque de ces deux vertus [celle de l'honnêteté et de l'exemplarité à la fois dans leur parcours de dirigeant et dans leur vie personnelle] mène aux dérives qui font la une des journaux et discrédite aussi, malheureusement, tous les dirigeants, chefs d'entreprises, de groupes familiaux discrets et producteurs de richesse économique et humaine.
Ceux-là aussi gagnent très bien leur vie ce qui est normal lorsqu'on exerce de hautes responsabilités.

Mais ils font généralement preuve d'une autre qualité essentielle que ne connaissent pas les «élites étatisées»: la modestie.

2 comments:

Sonal Jain said...

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