Notre critique du puritanisme anglo-saxon ne servirait qu'à élever le degré de cynisme que nous sommes prêts à tolérer dans l'espace public
Selon le rapport du chef des inspecteurs américains en Irak, Charles Duelfer, des milliards de dollars auraient été détournés, sur les instructions directes de Saddam Hussein, au bénéfice d'hommes politiques de différents pays, afin d'acheter leur lobbying en faveur de la levée des sanctions contre l'Irak. Les noms avancés au chapitre français — Charles Pasqua, Patrick Maugein, décrit comme «proche» de Jacques Chirac, un ancien ambassadeur de France à l'ONU, Pierre Joxe — suggèrent un scandale aux dimensions d'une affaire d'Etat.
Nous, Français, aurions plusieurs mauvaises raisons de nous pincer le nez et de fermer les yeux: ces informations visent comme par hasard la France, la Russie et certaines personnalités de l'ONU, et elles proviennent pour une part de «confidences» de l'ex-vice-Premier ministre irakien, Tareq Aziz, dont le passé n'est pas une garantie d'honnêteté intellectuelle. De plus, se faire l'écho de pareilles rumeurs serait s'attaquer aux fondements du consensus politique antiguerre et anti-Bush. Enfin, tout cela ressemble à ce que nous avons déjà lu, à propos d'Elf, des frégates de Taïwan, etc. Tenons-nous-en aux démentis et expédions le tout d'un soupir...
La seule vraie raison que nous aurions de rejeter ces accusations serait de prouver qu'elles sont fausses. La posture morale adoptée par la France rend nécessaire, impérieuse, la recherche de la vérité. Je viens de relire la déclaration de Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité des Nations unies à la veille de l'intervention américaine en Irak. J'y ai retrouvé l'émotion que j'avais alors ressentie — celle de voir exprimer des valeurs auxquelles je croyais et dont je pensais qu'elles formaient, en effet, la motivation profonde de la position française. Il est terrible d'avoir le soupçon que, derrière ces paroles si nobles, se dissimulaient des coalitions d'intérêts aussi peu reluisantes que celles, souvent dénoncées dans la presse française, de Halliburton avec le vice-président américain Dick Cheney. Nous venions pour Cyrano, et on nous aurait servi Ruy Blas: «Bon appétit, messieurs!»
Notre critique récurrente des excès du puritanisme anglo-saxon (de l'affaire Clinton-Lewinsky à l' «axe du mal») n'est-elle qu'un subterfuge pour élever le degré de cynisme que nous sommes prêts à tolérer dans l'espace public? Tout le monde, en France, pratique presque impunément un vieil adage familial: «Faites ce que je dis, pas ce que je fais.» Inutile de se prendre pour Emile Zola pour s'indigner que le pays de «J'accuse» soit devenu le pays de «J'abuse». Une bonne façon de démontrer que nous ne nous résignons pas serait une vigoureuse réaction collective — enquête parlementaire, information judiciaire, effort journalistique intense: il n'y a pas besoin d'être anglo-saxon pour savoir que la vérité existe.
Révélations sur le politiquement correct, les partis pris et le refus de mettre en doute les grandiloquences auto-congratulatoires des autorités (avec preuves à l'appui) qui sévissent dans le journal de référence, Le Monde, et dans d'autres médias français…….Bilingual Documenting and Exposing of the Biased Character of French Media, Including its Newspaper of Reference, Le Monde
2004/11/29
De «J'accuse» à «J'abuse»
Antoine Audouard dans L'Express : De «J'accuse» à «J'abuse»
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