Messieurs,
Je tiens à vous dire que j’ai tout particulièrement apprécié la façon subtile dont vous avez dénaturé le titre de l’essai de Michael Ignatieff sur la guerre en Irak, paru dans l’édition du 21 mars. Comme il traitait de l’année écoulée depuis le déclenchement de la guerre, les éditeurs du New York Times ont préféré “The Year of Living Dangerously”, rendant ainsi hommage au film de Peter Weir (1982). Pour vous, cela n’était évidemment pas assez dur et votre traductrice Florence Lévy-Paoloni a eu assez d’esprit (voire de toupet) pour inventer ce “Comment j'ai changé d'avis sur l'Irak". C’est très bien... sauf que c’est un peu malheureux étant donné que M. Ignatieff écrit lui-même que “personne ne peut honnêtement dire ... si [ces morts] seront rachetées par l'émergence d'un Irak libre ou rendues inutiles par un plongeon dans la guerre civile”.
M. Ignatieff s’oppose maintenant à la guerre? Votre embarras est compréhensible.
Au fait, “changer d’avis” est une traduction bien abusive de la phrase anglaise (“to have second thoughts”) qu’emploie M. Ignatieff. Mon dictionnaire anglais-français (Collins-Robert 1994) préfère “commencer à avoir des doutes,” ce qui est sûrement plus proche des intentions de cet auteur. Qu’est-ce qui a pu pousser Mme. Lévy-Paoloni à faire dire à M. Ignatieff quelque chose qu’il ne pense pas? C’est curieux: je vois que Mme. Lévy-Paoloni a également traduit les ¦uvres du journaliste anti-guerre britannique Robert Fisk, de l’inspecteur onusien renégat Scott Ritter (deux fois, même), de l’ancien ministre britannique des affaires étrangères Robin Cook (lequel a démissionné par opposition à la guerre), de l’écrivain anti-américain Gore Vidal, de Friedrich Engels et aussi de l’écrivain israélien Amos Oz (lorsque celui-ci s’est prononcé contre la guerre en Iraq).
Peut-être que Mme. Lévy-Paoloni est-elle donc une traductrice activiste? N’empêche... sa formule vous a permis de mettre l’essai de M. Ignatieff à profit idéologique... Je vous en félicite! Tout comme je vous félicite de ne pas avoir fourni un lien sur lemonde.fr à l’article de M. Rémy Ourdan sur les très dures opinions irakiennes sur la politique étrangère française. Il n’eut pas été bienséant de laisser ces internautes qui aiment tant “Comment j'ai changé d'avis sur l'Irak" voir que les Irakiens sont en réalité très peu reconnaissants envers les Français (sauf André Glucksmann et quelques autres, peut-être). Mais à mon avis, ce qui couronne votre effort, c’est votre édito du 19 mars qui se voulait un démenti sur les prétextes de cette guerre: cela est paru deux jours après la publication des résultats d’un sondage de l’opinion irakienne commandé par quatre agences médiatiques anglophones (dont le BBC) qui montrait à quel point le peuple irakien est aujourd’hui optimiste... malgré tout. Heureusement qu’on a pas parlé de ça dans Le Monde.
Il n’y a pas toutes les vérités qui sont bonnes à dire!
Bien à vous,
Révélations sur le politiquement correct, les partis pris et le refus de mettre en doute les grandiloquences auto-congratulatoires des autorités (avec preuves à l'appui) qui sévissent dans le journal de référence, Le Monde, et dans d'autres médias français…….Bilingual Documenting and Exposing of the Biased Character of French Media, Including its Newspaper of Reference, Le Monde
2004/05/02
Même les traducteurs sont activistes au Monde
Douglas envoie une autre missive au journal Le Monde. (Comme d'habitude, elle n'est pas publiée.)
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