
D'ailleurs, Dagen continue, en parlant du XXe siècle : "il y est très difficile de s'y comporter en êtres humains, entre totalitarismes durs et dictatures de la consommation." Et voilà, l'Amérique capitaliste est aussi opprimante que le totalitarisme stalinien! "C'est la misère!" comme s'écriait la politologue avisée qu'est Arlette. Sans doute y en aura-t'il qui répondront : "Mais il a raison, il dit la vérité! Et Arlette aussi!" La seule question, c'est qui qui s'en sort bien, "de" ce point de vue? Comme par hasard, c'est des gens comme Dagen lui-même, ces Européens d'une intelligence et d'un humanisme hors du commun, qui, eux, savent se "comporter en êtres humains" (ou qui, tout du moins, font des efforts dans ce sens). Car il puise dans un atmosphère particulier, celui des Européens et d'une certaine population plus humaniste que les autres, qui dit exactement ce que lui et leurs congénères dénoncent sans cesse : le monde est divisé entre les « nous » et « eux » : « nous », Européens sages, intelligents, tolérants, et solidaires avec tout un chacun et son frère, et « eux », les crétins simplistes, aveuglés, fourbes, salauds, et avides de dollars que sont les Amerloques. Comme je l'ai écrit ailleurs, "ce message auto-congratulatoire est peut-être prononcée de façon plus subtile, et en omettant le vocabulaire de la religion, mais la croyance est la même : comme par le plus grand des hasards, c'est l'autre (l'Amérique ou ses dirigeants) qui incarne la cupidité, la rigidité, la duplicité, la sournoisie, le bellicisme, l'unilatéralisme, et la volonté de dominer le monde (le mal) tandis que ce sont les nôtres (les Français ou, en tout cas, certains Français de tendance progressiste) qui incarnent la solidarité, la justice, le respect d'autrui, la paix, la compassion, les vraies valeurs, le terroir et la tradition, et la promesse d'une vie meilleure sur terre pour tous (le bien)."

Quant à Astérix, maintenant on le présente comme un José Bové qui garde son petit village de la terre et des traditions des "attaques cyniques de la Rome mondialisée", ce qui, pour le moins que l'on puisse dire, est loin de tout ce que René Goscinny a jamais voulu dire, et écrire. (Son exemple le plus récent date de… août 2003, avec le gag intitulé Latinomanie dans La Rentrée Gauloise, dans lequel, loin de se joindre aux arguments des vaillants défenseurs du terroir et la tradition — dans ce cas-ci, la langue française —, il les tourne en ridicule.) Qu'était alors le message de cet amoureux de l'Amérique (et d'autres choses encore) qui passa six ans de sa vie à New York, demanderont d'aucuns? Entre autres, c'est précisément… la tendance française a diviser le monde entre les « eux » et les « nous », que le plus grand scénariste humoristique du XXème siècle voulait parodier, ainsi que leur propensité à caricaturer et à ridiculiser leurs soi-disants ennemis et à tourner en dérision leur chaque acte (d'où la phrase omniprésente d'Obélix, "Ils sont fous, ces Romains/Ricains/Rosbifs/Ritals/ Boches/etc/etc/etc/etc…").
Update: Cinq and plus tard, Jean-Marc Manach commence un article sur un pays avec la description des
murs du ministère de la vérité de 1984, le roman de George Orwell, [qui] étaient recouverts de "trous de mémoire".Devinez de quel pays (Chine, Russie, Cuba, Vénézuéla…) il s'agit…
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